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L'hydre de Liriel
- Azraël ? appela une voix timide.
Le jeune homme leva les yeux au ciel en retenant un soupir d'exaspération : les fidèles d'Eilistraee manquaient parfois d'un bon sens probant !
- Avance, Elvanshalee, répondit-il.
La jeune elfe se retrouva bientôt devant lui et elle remarqua aussitôt son regard sombre.
- Tu m'en veux, n'est-ce pas ? demanda-t-elle d'une petite voix.
- Dire cela serait un doux euphémisme, grinça Azraël. Enfin, Elvanshalee, à quoi penses-tu donc ? On ne m'appelle pas à voix haute dans les souterrains de Vindemiatrix, sauf si tu tiens à me faire tuer.
- Je suis désolée, murmura-t-elle.
- Ça va, n'en parlons plus. Que veux-tu ?
- ShriNeerune et Urlryn se sont mariés hier, dit-elle. Alors je suis partie. J'ai pensé à toi ; peut-être que tu voudras bien que je t'accompagne...
Azraël mordilla pensivement sa lèvre inférieure.
- Tu supporterais la lumière de la surface ? demanda-t-il brusquement.
Elvanshalee eut un mouvement de recul, puis réfléchit.
- Pourquoi pas ? Eilistraee nous demande d'accomplir ses rituels à la surface. Il serait bon pour moi que je m'y habitue.
- Eilistraee vous demande d'y aller la nuit, pas le jour. Tu n'as jamais eu à affronter la lumière du soleil, Elvanshalee !
La jeune drow allait répondre, mais Azraël lui fit soudain signe de se taire. Sur ses gardes également, Elvanshalee porta la main à son épée. Le jeune homme dégaina son cimeterre et avança doucement dans les ténèbres.
- Reste là, ordonna-t-il en un souffle. Et ne bouge sous aucun prétexte !
Il réfléchit un instant, songeant qu'il laissait Zarth et Julian sans défense avec une drow ; dans un grognement, il glissa son cimeterre dans son système spécial et tendit les mains pour lancer un sort de cristal. Sur le mur apparut un oeil de cristal, invisible pour tout autre que lui. Satisfait, Azraël reprit son arme et continua son chemin dans les galeries tortueuses de Vindemiatrix.
L'attaque le prit par surprise et il roula sur le sol, lâchant dans un tintement métallique son cimeterre qui tomba hors de sa portée, se reprenant suffisamment à temps pour que ses autres armes ne heurtent pas le sol dans un bruit d'enfer. Avant qu'il ait eu le temps de se redresser, l'agresseur était sur lui, lui coupant le souffle et l'empêchant d'attraper son cimeterre marqué de l'éclair. Pour un peu, le jeune homme aurait été surpris : c'était la première fois qu'un de ses adversaires parvenait à lui faire mordre la poussière. Il se débattit comme un forcené, mais l'autre n'en paraissait pas autrement troublé. Tout en ruant comme un cheval sauvage, Azraël se demanda de quel monstre il pouvait bien s'agir et comment sortir de la situation embarrassante dans laquelle il se trouvait. Ses mains étaient écrasées sous lui et il n'était donc pas question qu'il fasse appel à la magie, quelle qu'elle soit. Il était dans l'incapacité d'utiliser une arme, ce qui éliminait une autre possibilité. Il était naturellement interdit d'appeler les rapaces ou les panthères à la rescousse, puisque ces animaux n'établissaient jamais leur repaire dans des souterrains aussi sinistres que ceux de Vindemiatrix. Que lui restait-il donc ? Ses pouvoirs de grand maître des élixirs lui étaient totalement inutiles. Non, décidément, il ne pouvait compter que sur sa seule force et son intelligence pour se sortir de cette impasse.
Il était surtout étonné de l'attitude de son agresseur : il se contentait de l'écraser, sans même essayer de le tuer ou de le dévorer. Profitant de ce calme, Azraël commença à dégager une de ses mains, tout en humant l'air pour tenter de reconnaître son adversaire. Rien. Il ne sentait qu'une odeur de métal, mais il lui semblait que son agresseur était de la race humaine, ou, tout au moins, humanoïde. Quand, enfin, il réussit à sortir sa main, elle était tout engourdie ; rapidement, il bougea les doigts pour que le sang se remette à circuler, tout en continuant à se débattre. Un étrange sentiment montait en lui : s'il l'avait voulu, son étrange agresseur aurait eu dix fois le temps de le faire passer de vie à trépas, mais il n'avait rien tenté. Il était à sa merci comme un enfant vulnérable et il n'aimait pas cette sensation nouvelle pour lui, de même que le sentiment qui commençait à monter en lui : la peur. Insidieuse et perfide, elle se glissait en lui, refermant son emprise sur son esprit, l'empêchant de réfléchir. Il fit appel à tous les enseignements qu'il avait suivis, tous ces enseignements qui lui avaient appris comment dominer son esprit et il chassa la peur de lui ; comment aurait-elle pu avoir la moindre emprise sur lui, puisqu'il n'avait pas peur de mourir ?
Soudain, il agit avec une rapidité inouïe : sa main libre s'abattit sur la gorge de son adversaire et le fit basculer sur le côté sans relâcher son étreinte, tandis qu'il roulait sur lui-même, libérant son autre main qui alla chercher sa navaja au creux de ses reins. Un genou sur la poitrine de son agresseur, l'étranglant à moitié, il grimaça de fureur.
- Ça va, Azraël ! hoqueta son prisonnier.
Le jeune homme reconnut aussitôt la voix, mais ne desserra pas son emprise pour autant.
- Vanyar !
Pas autant qu'il n'ait rien senti ou qu'il n'ait pas vu le moindre de ses traits malgré son infravision ! Les dieux ne réagissaient pas aux perceptions humaines.
- Lâche-moi, maintenant, tu as gagné. Mais avoue que j'aurais pu te tuer dès le début.
- Tu aurais dû relâcher ton étreinte pour ça et j'aurais pu me débattre, objecta Azraël d'un ton contenu.
Il en voulait au jeune dieu de lui avoir fait toucher du doigt sa propre faiblesse et de lui avoir fait connaître pour la première fois ce sentiment qu'il s'était toujours vanté de ne pas connaître, la peur. Il disait plaisamment qu'elle avait peur de lui.
- Laisse-moi me relever, Azraël, reprit Vanyar. Ça ne sert plus à rien de me laisser étendu par terre comme ça.
- Parce que tu as fait quoi, tout à l'heure ? Toi aussi, tu m'écrasais, et avec moins de sympathie que moi maintenant. Dis-moi plutôt la raison de ce jeu stupide.
Le jeune dieu de la destruction n'eut pas le temps de répondre : un cri strident déchira les airs et Azraël reconnut immédiatement de quelle gorge elle provenait.
- Elvanshalee ! murmura-t-il.
Il se redressa d'un bond, oubliant complètement Vanyar, et se rua vers l'endroit qu'il venait de quitter. Vanyar l'attrapa par la cheville et le fit tomber au sol.
- Tu n'iras pas, dit-il fermement. Tu voulais savoir pourquoi j'avais joué à ce jeu stupide, tu le sais maintenant. Je voulais t'empêcher de courir te faire tuer là-bas, mais l'autre a mis plus de temps que je ne le croyais.
Mais Azraël ne l'écoutait pas ; abandonner Zarth et Julian, sans compter Elvanshalee ? Il n'en était pas question ! D'une ruade, il se débarrassa de la poigne ferme de Vanyar refermée sur sa cheville, atteignant du même coup le jeune dieu dans le nez, et, se dégageant, il se remit sur pied, attrapant son cimeterre au passage, repartant en courant. Il songea à l'oeil de cristal et utilisa le pouvoir de ce sortilège. Aussitôt, dans son esprit, sans gêner sa vision normale, apparut la scène qui se déroulait à l'endroit qu'il avait choisi pour campement. Elvanshalee faisait face à deux monstres, l'épée à la main, tandis que Zarth et Julian étaient immobilisés sur le sol dans ce qui semblaient être d'énormes cordes. Elvanshalee se battait avec la fureur du désespoir, mais son épée ridicule ne faisait pas le poids face aux deux horribles serpents qui se dressaient devant elle. Soudain, Azraël comprit et son sang se serait glacé dans ses veines s'il n'avait pas connu de visions plus terrifiantes encore : ce n'étaient pas des serpents, ni des cordes ! C'était une hydre géante souterraine ! Face à ce monstre, les sorts de cristal se révéleraient sans effet aucun. Il était inutile même d'y songer. Alors, sans hésiter, il tira hors de son fourreau la lame étincelante qu'il avait reçue quelques heures auparavant.
Il déboula sur le champ de bataille à la vitesse d'une flèche et se retrouva aux côtés d'Elvanshalee.
- Va près de mes amis et essaie de trouver un moyen de les faire sortir des anneaux de cette hydre, ordonna-t-il d'un ton sans réplique. Je me charge du reste.
Il ne songea pas à la prétention que pouvaient contenir ces dernières paroles. Comment pouvait-il dire cela alors qu'il n'avait même pas le début d'une idée pour combattre un monstre pareil ? L'hydre le regarda avec intérêt et il lui sembla qu'une de ses têtes se fendait d'un sourire moqueur. Il sentit aussitôt qu'il y avait quelque chose de bizarre là-dessous. D'ailleurs, il fallait bien qu'il y ait un problème, un monstre normal n'aurait jamais poussé Vanyar à sortir de sa retraite pour venir lui interdire de combattre. Fugitivement, il se demanda s'il n'y avait pas la main d'Erza ou celle de Liriel dans la présence de ce monstre. Rejetant toutes ces questions, il effectua le salut des chevaliers de la guerre, levant sa lame verticalement devant son visage avant de l'abaisser en un vaste mouvement du bras.
- Pour l'ordre et pour l'honneur, en avant ! lança-t-il avant de se jeter en avant.
Il savait qu'il était fou de crier un pareil cri d'armes en plein coeur de Vindemiatrix, quand on savait la haine que se portaient les chevaliers de la guerre et les drows, semblables en ce point aux Fils des Ténèbres. Avec une vitesse étonnante, l'hydre fit pivoter une de ses têtes pour contrer l'attaque du cimeterre argenté qui fondait sur elle, mais l'autre arme, surmontée de la Pierre de Lune, l'atteignit au poitrail. L'hydre poussa un cri déchirant et Azraël crut y entendre comme une note de reproche.
- Je sais bien, ma grande, mais si tu ne déguerpis pas d'ici en vitesse, tu auras encore d'autres reproches à me faire ! marmonna Azraël.
L'hydre se secoua, aspergeant le jeune homme de quelques gouttes de son sang, puis refit face.
- Elvanshalee ! beugla Azraël. Fais du feu, vite !
La jeune drow obéit aussitôt ; par sa formation même de drow, elle ne craignait pas grand-chose et le sang-froid lui revenait vite. Elle s'activa et bientôt, un feu se dressa à côté des anneaux enroulés de l'hydre. Azraël rengaina son cimeterre à l'éclair et saisit un brandon. D'un mouvement vif, il sectionna une des sept têtes qui l'affrontaient et cautérisa aussitôt la plaie. L'hydre hurla de douleur, mais Azraël n'eut pas beaucoup de répit : il croyait n'avoir plus que six têtes à affronter, mais malgré la cautérisation, deux têtes repoussèrent à la place de celle qu'il avait coupée. Il en fut si surpris qu'il recula et qu'il trébucha sur la queue de l'hydre.
- Par tous les dieux ! murmura-t-il. Comment vaincre un tel adversaire ?
- Azraël ! lança une voix claironnante et Azraël fut sûr qu'on l'avait entendu jusqu'à l'autre bout de Vindemiatrix. Utilise la lame étincelante !
Rejetant le brandon dans le foyer dont il était issu, Azraël dégaina de nouveau le cimeterre à l'éclair. Vanyar se porta à ses côtés, le feu donnant des reflets sanglants à son armure d'or rouge ; lentement, presque cérémonieusement, il sortit de son fourreau sa gigantesque épée en or rouge flamboyante et salua l'hydre. Une voix sortit du néant :
- Tu n'as pas le droit, Vanyar. Tu outrepasses les règles.
- Tu n'avais pas le droit non plus, Liriel, répondit calmement le jeune dieu. Puisque tu as triché, j'ai le droit d'intervenir pour rétablir l'équilibre de la balance.
- Il n'est pas de ceux qui ont droit à l'aide divine ! protesta la voix. Indis lui a déjà donné l'arme pour lutter.
- Quitte à tricher, Liriel, moi, je triche entièrement. La faute sera la même de toute façon. Trêve de bavardages et au combat !
- Qu'il en soit ainsi que tu le désires, répondit la voix dans les ténèbres.
Les yeux de l'hydre prirent un éclair rouge, comme si ce n'était qu'un masque posé sur le visage d'un drow et Azraël comprit que Liriel s'était incarnée dans le monstre. Vanyar ébouriffa ses cheveux d'or rouge de sa main libre et se tourna vers le jeune aventurier.
- Prêt ? demanda-t-il.
Azraël constata que les yeux bruns habituellement excités du jeune dieu étaient mortellement froids, comme s'il venait d'être victime d'une injure mortelle. Il hocha simplement la tête et leva son cimeterre. Pour toute réponse, Vanyar leva son arme étincelante et les deux combattants plongèrent en avant.
Honnêtement, même s'ils n'avaient théoriquement qu'un seul monstre devant eux, on aurait pu dire qu'ils menaient un combat de deux contre huit. Les deux guerriers étaient bien sûr des légendes, puisque Vanyar était le meilleur combattant parmi les dieux, meilleur encore que Varaxador ou Brynhild, les dieux de la guerre, et Azraël était le meilleur combattant humain, une véritable machine de guerre, mais leur adversaire, monstre déjà terrible au naturel, était de plus animé par une déesse. Elvanshalee, les poings serrés contre sa bouche, observait le combat, les yeux agrandis d'horreur. Le feu jetait des reflets sanglants sur les armes aux arabesques étincelantes et le bruit de l'acier donnait une dimension irréelle à ce combat de titans. Malgré toute leur habileté, ni Azraël, ni Vanyar ne parvinrent à couper de nouveau une tête à l'hydre ; Azraël soupçonna le monstre de savoir pertinemment que les armes enchantées de ses adversaires n'autoriseraient pas la repousse de nouvelles têtes. Elle avait accepté la première fois, même au prix d'une immense douleur, de se laisser couper une tête, car elle savait parfaitement qu'elle repousserait. Il se rappela alors qu'il n'avait pas vu la moindre ouverture vers un des nombreux cous tant qu'il avait eu la lame étincelante à la main. Alors tout redevint clair pour lui et tout reste de la peur qu'il avait pu ressentir quand Vanyar l'avait plaqué au sol, quelques instants plus tôt, s'évanouit et disparut sans laisser de traces. Il retrouva toute sa lucidité et oublia qu'il combattait contre une déesse. Sa rapidité revenue, il rengaina son cimeterre marqué de la rune de l'assassin, assura son autre arme dans sa main droite, et bondit en avant.
Vanyar ne broncha pas et, pour la première fois, Azraël apprécia la présence du jeune dieu à ses côtés. Alors qu'une tête fondait vers lui, gueule ouverte sur des crocs impressionnants, Azraël attrapa le cou de sa main gauche et se propulsa en l'air. Il se retrouva à califourchon sur le cou écailleux, dans le dos de l'hydre. Aussitôt, les têtes les plus éloignées de lui se tournèrent dans sa direction, tandis que les autres prenaient en charge Vanyar qui continuait à se battre. Elvanshalee eut une inspiration et vint rejoindre le jeune dieu face à l'hydre.
- Non, Elvanshalee ! hurla Azraël. Reste en dehors de tout cela ! Ce n'est pas ton combat ! Tout ça doit rester entre Vanyar et moi. N'est-ce pas, Vanyar ?
- Oui, grogna le dieu, qui n'aurait pas été ravi d'avoir une drow à ses côtés pour lutter, fut-elle disciple d'Eilistraee.
Elvanshalee comprit ce qu'il sous-entendait et, humiliée, elle fit un pas en arrière. Azraël comprit son état d'esprit et jeta un regard noir à Vanyar.
- Elvanshalee ! reprit-il. Essaie de délivrer Zarth et Julian !
La jeune drow acquiesça aussitôt. Pendant ce temps, Azraël assura sa position plutôt précaire et fit face à un oeil peu aimable. Il lui lança un sourire naïf, qui découvrit ses dents qui tendaient de plus en plus vers la forme de crocs.
- Source de l'éternelle lumière, je crois que ça va être à nous de jouer ! murmura-t-il.
La Pierre de Lune émit un faible bourdonnement, comme pour acquiescer. Décidé à arrêter de narguer cette pauvre hydre - après tout, même les monstres les plus affreux avaient droit à un minimum de respect - , il leva de nouveau son cimeterre, mais changea de salut : il effectua un salut que Vanyar connaissait bien, puisqu'il s'agissait de celui que faisaient les barbares de Gazanhe en l'honneur d'un prisonnier qui était mort ou qui allait mourir.
Feinte après feinte, bondissant sur le dos glissant de l'hydre aussi souplement que s'il avait été sur la terre ferme, il força les quatre têtes de l'hydre à céder du terrain et, d'un geste vif, il sectionna une tête. Le cou coupé eut un soubresaut avant de retomber mollement sur le sol avec un bruit flasque, tandis que la tête roulait par terre pour aller se nicher derrière les pieds de Vanyar. L'hydre poussa un hurlement affreux, mais dans les yeux d'Azraël, il n'y avait pas la moindre pitié. Du cou mort ne repoussa aucune tête. La lame étincelante pouvait tuer une hydre.
Les yeux du monstre prirent une lueur dure et trois têtes se tournèrent en sifflant vers Vanyar, le forçant à reculer ; le jeune dieu mit le pied sur la tête de l'hydre, perdant l'équilibre. Azraël vit le danger, mais quatre têtes lui faisaient face, l'empêchant de porter secours à Vanyar. Le défi ne lui fit pas peur ; souplement, il se coula entre les cous à une vitesse étonnante et retint Vanyar par le coude, lui évitant la honte d'une chute. Immédiatement, toutes les têtes se tournèrent vers lui, l'encerclant ; Vanyar se redressa tant bien que mal pour s'apercevoir que, bêtement, il s'était foulé une cheville et pouvait à peine tenir debout. Azraël restait donc seul contre une hydre et il ne pouvait rien faire pour s'en sortir.
Le monstre parut le sentir et la lueur mauvaise qui brillait dans ses yeux s'intensifia encore. L'hydre passa une langue gourmande sur ses lèvres, découvrant des rangées de crocs pointus et étincelants ; elle prenait son temps, sachant bien que ses proies ne pourraient pas lui échapper, et ce n'était pas la petite drow terrifiée qui pourrait les aider ! Alors Azraël fit preuve d'un sang-froid admirable : calmement, il remit son cimeterre dans son fourreau et examina l'hydre avec un intérêt quasi clinique. Il s'aperçut vite qu'il était sous un mauvais angle pour l'atteindre et il regarda autour de lui pour y voir quelque chose qui fit briller son oeil d'une lueur aussi mauvaise que celle qui se trouvait dans le regard de l'hydre. Tranquillement, il humecta ses pouces et les replia, les appuyant fortement à la base de ses auriculaires. Soudain, il pivota à la vitesse de l'éclair vers le fond de la grotte où ils se trouvaient, levant les mains à la hauteur de sa poitrine, et lança :
- Greyr orl iridesciaen !
Il se jeta sur Vanyar et roula au sol avec lui. L'hydre ne comprit pas immédiatement ce qu'il se passait. Mais quand elle vit, devant elle, s'illuminer un oeil de cristal, elle comprit et toutes ses têtes se dressèrent vers le plafond, gueules grandes ouvertes, sifflant de rage ; deux têtes plongèrent vers le sol pour attraper Azraël, mais elles n'en eurent jamais le temps : le sortilège de cristal que venait de lancer le jeune aventurier l'atteignait déjà et elle commença à se transformer en cristal. Ses crocs devinrent de plus en plus étincelants avant de devenir de cristal, puis cela se transmit à ses gueules entières, aux cous, au poitrail, au long corps reptilien, englobant les anneaux qui enserraient toujours Zarth et Julian, et enfin, la queue.
Azraël et Vanyar se redressèrent et le jeune homme emporta le dieu dans ses bras jusqu'à Elvanshalee, malgré le regard noir que lui jetait le dieu de la destruction. Ensuite, il sortit Zarth et Julian du piège de cristal dans lequel ils se trouvaient, le corps devenu de cristal étant beaucoup plus glissant que le corps écailleux et plus souple de l'hydre. Enfin, ses amis en sécurité, il revint se planter devant l'hydre, les poings sur les hanches, la regardant se débattre contre le sort de cristal qui continuait inéluctablement son oeuvre.
- Ne crois pas avoir gagné, Azraël ! gronda la voix sortie du néant. Pas encore !
- Je le sais, Liriel, répondit calmement le jeune homme. Je le sais très bien.
Lentement, la queue de l'hydre redevint écailleuse, mais Azraël lui tournait le dos et ne pouvait le voir. Tout alla très vite : la queue frappa violemment Azraël derrière la nuque en même temps que résonnait le cri d'alerte de Julian et le jeune homme bascula en avant, assommé. Une gueule plongea pour le récupérer et le souleva de terre entre ses mâchoires.
- N'approche pas, Vanyar ! avertit la voix. Si l'un de vous fait un mouvement, je le broie en deux !
Lentement, gênée par son corps de cristal, l'hydre disparut dans les galeries de Vindemiatrix, sa proie entre ses mâchoires. Les quatre jeunes gens se regardèrent d'un air abattu.
- Azraël avait l'air sûr de lui, hasarda Zarth.
- Que peut-il bien faire contre Liriel ? marmonna Vanyar et le jeune dieu avait perdu toute son excitation.
Texte © Azraël 1996 - 2002.
Bordure et boutons Black Cat, de Silverhair
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