Zarth

   Azraël et Zarth galopaient tranquillement, l'air parfaitement heureux. Rien ne leur faisait plus plaisir que de se retrouver ensemble, libres de toute entrave, avec une aventure en perspective.
    - Quelle entrée comptes-tu prendre ? demanda Azraël. Tu as l'air de te diriger droit vers la Crypte des Assassins.
    - Je te rassure tout de suite, on ne prend pas cette entrée ! rit Zarth. Il y en a une autre à proximité, que peu de monde connaît, parce qu'elle est sur le domaine de la maison des Maskelyne. Personne n'ose s'aventurer sur ce domaine. De plus, cela nous permettra d'y entrer avec les chevaux.
    - Argument retenu ! lança Azraël en riant.
   Se penchant légèrement en avant, il chuchota quelque chose à Furnerius, qui allongea sensiblement sa foulée. Entshilkan réagit aussitôt et les deux cavaliers, aussi fous l'un que l'autre, s'amusèrent à faire la course.
   Quand il furent à l'ombre des frondaisons de la Forêt Principale, Zarth rejeta en arrière son capuchon, laissant ses yeux sans protection.
    - Mais pourquoi y a-t-il donc tant de soleil à Slar ? se plaignit-il.
    - Tu en parleras à Hypnoz, répondit Azraël d'un ton égal.
   Zarth lui jeta un coup d'oeil indigné.
    - Pourquoi pas à Liriel, pendant que tu y es ? grogna-t-il.
   Azraël eut une moue dubitative.
    - A mon avis, elle ne pourra pas faire grand-chose pour toi, mais par contre, je suis sûr qu'elle sera ravie de pouvoir remettre la main sur toi.
   Zarth eut un sourire moqueur.
    - A ce propos, il faudra faire attention dans le monde souterrain. Je te rappelle que j'ai ma tête à prix.
    - Au cas où tu ne le saurais pas, la mienne y est certainement aussi, répliqua Azraël sans sourciller. Shilka semble adorer répéter à qui veut l'entendre que je suis un chevalier de la guerre.
   Le visage de Zarth se crispa.
    - Parfois, je me dis que je devrais la tuer, gronda-t-il d'une voix sourde.
   Azraël le regarda avec étonnement. Zarth se tourna vers lui et ses yeux gris eurent une étrange lueur.
    - La tuer, répéta-t-il. Tuer ma soeur...
   Il eut un rire nerveux et Azraël crut un instant qu'il était devenu fou. Comme s'ils sentaient l'atmosphère tendue, Entshilkan et Furnerius s'arrêtèrent et Azraël se laissa glisser à terre.
    - Ma soeur préférée, celle que j'aurais défendue contre la mort même... Tuer celle qui m'a tenu dans ses bras quand j'étais bébé...
   Azraël l'agrippa aux épaules.
    - Zarth ! Arrête tout de suite ! Reprends-toi, par tous les dieux des enfers !
   Le regard gris se noya de douleur.
    - Parfois, je me dis que je devrais la tuer, répéta Zarth.
   Il éclata en sanglots convulsifs.
    - Pourquoi faut-il que ma soeur soit un monstre pareil ? hurla-t-il en s'accrochant désespérément à Azraël.
   Le jeune homme serra son ami contre lui ; il ne savait pas quoi dire. Comment endiguer un pareil chagrin ? Il aurait voulu que Méline soit là, elle qui aurait su, avec son corps, avec des gestes doux, lui faire comprendre qu'elle savait ce qu'il ressentait.
   Un bruit de galop vint frapper son ouïe : une mince jument noire s'arrêta à côté de lui et une jeune fille en descendit vivement. D'autorité, elle le repoussa et prit Zarth dans ses bras. Devant la cascade flamboyante des cheveux, Azraël n'eut plus aucun doute : il s'agissait d'Irisea. Il ignorait ce qu'elle faisait là, mais elle était arrivée au bon moment, c'était tout ce qui importait. Elle berçait doucement le jeune drow contre elle, caressant la chevelure neigeuse, la tête légèrement inclinée vers le sol et ses yeux fixés sur le sol étaient pleins de larmes, comme si la douleur de Zarth était devenue la sienne. Azraël contempla avec surprise cette jeune elfe ordinairement si discrète, qui pleurait sans même essayer de cacher les larmes qui coulaient sur ses joues pour glisser doucement sur les cheveux de Zarth qu'elles parsemaient de gouttes de rosée. La fine main de Zarth se crispa sur l'épaule d'Irisea et il murmura d'une voix brisée :
    - Shilka...
   Azraël eut l'impression que Irisea avait reçu un coup de fouet ; son corps se tendit brutalement, même si son visage restait impassible. Il lui sembla que le puits de détresse au fond du regard d'or liquide avait encore gagné en profondeur. Enfin, Zarth reprit assez d'empire sur lui-même pour contrôler son chagrin. Il se redressa et recula. La fixité du visage d'Irisea parut l'inquiéter un instant, mais il ne parut pas surpris le moindre du monde de la voir devant lui.
    - Qui est Shilka ? s'informa-t-elle d'une voix neutre, mais curieusement hachée.
    - Celle que je devrais tuer, mais que je ne peux pas tuer. Non, je ne le peux pas !
   Il hurla ces derniers mots. Irisea le regarda d'un oeil maintenant sec.
    - Je crois que le pire est passé, observa-t-elle froidement. Il devrait réussir à surmonter cette épreuve.
   D'un mouvement souple, elle remonta sur le dos de Nyi qui partit en direction de Slar. Elle n'avait pas donné la moindre explication quant à sa présence dans la Forêt Principale, même si Azraël la soupçonnait de les avoir suivis de loin.
   Zarth se passa les deux mains dans les cheveux pour les renvoyer en arrière, avec ce geste qu'il avait pris d'Azraël. Il sentit sous ses doigts les larmes qui étaient restées accrochées dans ses cheveux.
    - Nous continuons ? demanda-t-il d'une voix indifférente qui ne lui était pas habituelle.
   Azraël acquiesça. Il bondit sur le dos de Furnerius, après une rapide caresse à Entshilkan qui regardait son maître avec un regard inquiet.

   Le chemin se continua dans le silence. Azraël comprenait parfaitement le besoin du jeune drow de faire le vide en lui pour oublier cette crise. Son amour pour Shilka restait encore et toujours le point faible de Zarth. Malgré ce qu'il avait vu, ce qu'on lui avait dit, il semblait avoir du mal à réaliser quelle créature malfaisante elle était. Il sentit le regard d'Azraël posé sur lui et eut un vague sourire.
    - Ne t'inquiète pas, tout ira bien, affirma-t-il.
   Azraël le fixa un long moment.
    - Parfois, commença-t-il, je me demande si...
   Zarth le regarda d'un air intrigué.
    - Je me demande si tu n'es pas amoureux de Shilka, acheva Azraël d'un ton pour le moins sinistre.
   Zarth eut un rire bref.
    - Non, trancha-t-il. Si je l'étais, il y a belle lurette que j'aurais tué Ankrist. Vois-tu, poursuivit-il avec un sourire mélancolique, je suis d'une jalousie maladive et bien trop possessif. Si j'étais amoureux de Shilka, je ne supporterais pas de la voir avec ce tueur sans conscience.
    - Surtout que maintenant, Ankrist n'est plus qu'un zombie sans âme. A la rigueur, son côté lâche me manque un peu, fit Azraël en étouffant un rire.
   Zarth ne rit pas et garda son regard gris attaché sur le jeune homme.
    - Ainsi, tu as cru que j'aimais Shilka, dit-il lentement.
    Azraël fronça les sourcils ; Zarth lui semblait bizarre et l'idée l'effleura que son ami devenait fou et qu'il allait l'attaquer.
    - Oui, et à ce tarif-là, j'aurais demandé à Méline de faire quelque chose, répondit-il d'un ton qu'il espérait être enjoué, mais sans relâcher sa surveillance sur Zarth.
   Les yeux de Zarth eurent un étrange éclat et Entshilkan s'arrêta de nouveau. Azraël nota distraitement que le grand étalon gris était nerveux et tremblait de tous ses membres. Il eut un éclair et comprit tout. Discrètement, il se ramassa ; Furnerius sentit la différence et s'arrêta aussi, à une distance respectueuse d'Entshilkan. Le jeune assassin huma doucement l'air et l'odeur qu'il y perçut lui fit voir rouge.
   Tout se passa très vite : Azraël bondit brusquement et s'abattit sur Zarth qu'il projeta à terre, le bloquant sous lui. Le jeune drow se débattit avec l'énergie du désespoir.
    - Mais que t'arrive-t-il ? hurla-t-il. Tu es devenu fou !
    - Non, c'est toi, gronda Azraël de cette voix qui rappelait le fauve qu'il était parfois.
   Zarth n'était pas quelqu'un de faible, mais la force d'Azraël était autrement supérieure à la sienne. Le jeune homme n'eut aucun mal à le retourner sur le ventre en le bloquant de son genou enfoncé dans le dos. Il releva la chevelure neigeuse et découvrit ce qu'il savait y trouver : à la base de la nuque, une minuscule aiguille. Il l'arracha d'un coup sec et l'écrasa entre ses deux doigts.
    - Puisses-tu mourir mille fois ! jura-t-il à l'adresse d'un mort.
   Il se releva d'un bond ; Zarth roula sur le dos et se redressa sur les coudes.
    - Mais que t'a-t-il pris ? s'étonna-t-il, toute folie ayant disparu de son regard gris.
   Et c'était de nouveau la voix mélodieuse et calme qui parlait. Azraël sentit une bouffée de joie lui enfler la poitrine.
    - As-tu revu Ankrist ou Shilka ces derniers temps ?
   Zarth secoua la tête.
    - Pas que je me souvienne.
   Azraël grogna.
    - Je n'aime pas cela ! Ils améliorent leur technique à chaque fois !
    - Mais de quoi parles-tu ? s'impatienta le jeune drow.
   Azraël lui montra les restes écrasés de l'aiguille tout en remontant en selle.
    - L'arme favorite de Gaud, expliqua-t-il. Pourtant, je l'ai tué il y a longtemps.
    - Ressuscité... ? hasarda Zarth.
    - Certainement pas. Il n'y avait plus rien à ressusciter : je l'avais découpé en rondelles, puis brûlé et les cendres sont je ne sais plus trop où dans une forêt quelconque. A ma connaissance, il faut au moins un corps à peu près entier pour jouer au zombie. Tu te rappelles ? Vous m'avez enlevé un joujou à peu près semblable lorsque Ankrist avait réussi à nous enlever dans la Crypte des Assassins.
   Zarth eut un signe affirmatif de la tête.
    - J'en ai ôté une de la nuque de Julianne quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, continua Azraël en gardant sur lui-même un contrôle parfait pour cacher le tremblement qui le prenait à chaque fois qu'il repensait à sa soeur. J'ignorais alors que Gaud était devenu zombie. Je l'ai retrouvé plus tard et je me suis rappelé à son bon souvenir. Et maintenant, toi, avec cette aiguille dans le cou. Ils arrivent visiblement à provoquer une amnésie à ce sujet. Et je sais que Gaud n'est pas impliqué dans cette affaire.
    - A moins que..., commença Zarth, puis il s'arrêta net, les yeux agrandis, comme si l'idée qui l'avait traversée était trop horrible pour qu'il l'exprime.
    - Quoi ? demanda avidement Azraël.
    - Eh bien, reprit Zarth, hésitant, je ne sais pas si tu te souviens de ce sortilège dont tu as certainement entendu parler lors de ton séjour à Vindemiatrix, mais... Il s'agit du double astral.
   Azraël acquiesça de la tête.
    - Le double astral est un sortilège de magie blanche ; les grands magiciens ou sorciers l'utilisent souvent pour que l'âme des défunts reste avec ceux qui les aimaient, comme par exemple Méline l'a fait pour Julianne et Santig-du.
   La visage d'Azraël se crispa légèrement.
    - Mais les drows ont trouvé un double astral de magie noire, continua Zarth, la voix mal assurée.
   Azraël le regarda avec des yeux horrifiés : il venait de comprendre où voulait en venir Zarth.
    - Ils emprisonnent l'esprit d'un de leurs sorciers dans le corps d'un malheureux qui n'a rien demandé et qui y perd jusqu'à son identité. A partir d'un seul esprit, ils peuvent créer des dizaines de clones...
    - Par tous les dieux de l'enfer ! jura Azraël. Comment on va s'en sortir ?
   Zarth haussa les épaules.
    - On n'a pas trente-six solutions : il faut les exterminer un à un.
    - Y a-t-il un moyen pour les victimes de retrouver leur identité d'origine ?
    - Je crois bien que oui, répondit Zarth en fronçant les sourcils, mais je ne me souviens plus lequel. Il faut dire que j'ai tellement été révolté par ce sort que j'ai un peu fermé mon esprit lors de son enseignement.
    - Le double noir, n'est-ce pas ? fit Azraël, les yeux perdus dans le vide. N'est-ce pas le nom consacré ?
    - Oui. Tu t'en souviens ?
    - Laisse-moi un instant...
   Il prit dans ses fontes un petit morceau de boeuf cuit et le mâchonna pensivement, les sourcils froncés. Zarth le regardait sans s'inquiéter : la mémoire d'Azraël était extraordinaire. Tout ce qu'il avait appris ne serait jamais oublié ; s'il connaissait ce sort, il savait obligatoirement comment le contrer.
   La réflexion d'Azraël s'éternisait. Zarth caressait machinalement l'encolure d'Entshilkan qui avait retrouvé tout son calme maintenant que le jeune drow n'était plus sous l'influence des forces obscures. Un cavalier vint à leur rencontre ; juché sur un grand cheval dégingandé, il portait une armure noire ornée d'un scorpion argenté sur la poitrine.
    - Force noire m'habite pour aider, dit-il calmement.
    - Force noire en nous irradie notre pureté, répondit mécaniquement Azraël alors que Zarth restait médusé devant ce salut si étrange.
   Soudain, il eut un cri de victoire, s'appuya de ses deux mains sur le devant de sa selle, éleva son corps à la verticale et se laissa retomber devant Furnerius en passant tranquillement par-dessus la tête de son cheval qui n'avait pas bronché.
    - J'ai trouvé, Zarth ! exulta-t-il. Il faut détruire le flacon où ils gardent l'âme prisonnière, mais il ne faut pas le détruire n'importe comment : il faut une arme spéciale. Je crois que personne n'a jamais pu interrompre un sortilège de double noir parce qu'ils n'avaient pas cette arme.
    - Or donc, étranger, seriez-vous chevalier du néant ? interrogea poliment le chevalier inconnu. Vous connaissez le salut.
   Azraël, subitement calmé, se tourna vers le cavalier et le salua impeccablement, le corps bien rigide, le bras droit barrant son estomac, tandis que son bras gauche était dans le dos. Ce salut, si caractéristique, avait surtout un aspect pratique : la main droite était à portée de l'arme, sans être gênée par la gauche.
    - Non, frère du néant. Mais je connais vos coutumes.
   Le chevalier haussa les sourcils. Il n'avait pas l'habitude d'être appelé frère. Les chevaliers du néant étaient considérés comme des parias par tous les autres et c'était sans doute le seul point sur lequel un bourgeois et un aventurier pouvaient s'entendre. En effet, les chevaliers du néant étaient les seuls à utiliser la magie noire ; très peu de gens savaient à quoi exactement elle leur servait : la magie noire était le moyen pour eux de lutter contre le mal avec ses propres armes. Les chevaliers du néant maîtrisaient également la magie blanche, mais il s'agissait d'un détail secret que l'ordre gardait jalousement.
    - Pardonnez mon incorrection, s'exclama-t-il soudain. Je me nomme Julian d'Agenor, chevalier du néant.
   Azraël sentit un pincement au niveau du coeur ; décidément, cette journée avait décidé de lui rappeler le souvenir de Julianne qu'il essayait en vain d'oublier, jusqu'au nom de ce chevalier qui y ressemblait trop par sa sonorité.
    - Bienvenue parmi nous, frère du néant. Je suis Egan Pendragon.
    - Je vous ai entendu parler du sort de double noir. Mèneriez-vous une quête contre les adeptes de ce sortilège ? s'enquit le chevalier du néant.
    - En quelque sorte, frère du néant.
   Julian jeta un coup d'oeil au compagnon d'Azraël et eut un sursaut.
    - Par tous les dieux, messire, vous me mentez ! Comment entreprendriez-vous une quête d'une telle importance en compagnie d'une vile racaille de drow ? s'exclama-t-il.
   Zarth pâlit violemment et se retint de porter la main à son sabre : cela ne ferait qu'empirer les choses. Azraël secoua la tête d'un air désapprobateur.
    - Voyons, messire chevalier, quelle méfiance ! Je vous présente Zarth Ka'Brézil, de la maison des Maskelyne.
   L'attitude du chevalier se détendit.
    - Le Zarth Ka'Brézil ? Le fameux drow ? En vérité, je suis confus de ma méprise et je vous présente toutes mes excuses.
    - Surtout, frère du néant, que la réputation des vôtres n'est guère mieux que celle des drows, observa Azraël.
   Le corps de Julian d'Agenor se raidit.
    - Certes, messire, mais notre réputation est moins méritée que la leur. J'ai une question, messire, à vous poser. Visiblement, à votre langage et à vos manières, vous devez être chevalier. M'honoreriez-vous suffisamment de votre confiance pour me révéler à quel ordre vous appartenez ?
   Azraël soupira.
    - En vérité, messire d'Agenor, je suis chevalier de cinq ordres différents. Je ne sais lesquels vous paraîtront dignes de confiance. Je pensais que le nom d'Egan Pendragon suffisait généralement pour susciter des réactions autour de moi.
    - Egan Pendragon ? Seriez-vous l'ultime survivant de l'ordre de la guerre ?
    - Eh bien, voilà ! Je savais bien que cela vous dirait quelque chose !
    - L'ordre de la guerre est un ordre que je respecte profondément, mais ils n'ont pas de grands objectifs salvateurs.
    - Histoire de passer le temps, je suis également chevalier du cristal, du silence, des rapaces et renégat du chaos.
    - Renégat ?
    - J'ai fait serment de les exterminer jusqu'au dernier, répondit Azraël en examinant un de ses ongles.
    - Louable intention, commenta Julian. Où en est l'exécution ?
    - Oh ! Il n'en reste pas plus d'un ou deux à courir çà et là ; je les retrouverai tôt ou tard. J'ai juste un problème de conscience : comme je dois les exterminer, dois-je me tuer également ?
    - Certes non ! Vous n'êtes plus des leurs, puisque vous êtes renégat. Je suppose que vous êtes entré dans leur ordre pour savoir les battre avec leurs propres armes ?
    - A l'origine, non, mais maintenant, c'est bien utile. J'ai déjà utilisé cette technique, elle porte ses fruits.
    - Dites-moi, chevalier, vous ne semblez pas me craindre...
   Azraël eut un rictus.
    - Vous pouvez parler sans crainte, Julian. Comme je vous l'ai dit, je suis chevalier du silence. Les seules personnes dont je médis sont, en général, déjà mortes, à quelques rares exceptions près.
    - Au seul nom de chevalier du néant, les foules s'enfuient. Vous, non.
    - J'ai connu également cette réaction, Julian, soupira Azraël. Je vais sûrement baisser dans votre estime, mais je dois vous avouer que je suis aventurier, donc familier de la haine du peuple. Ensuite, pour venger l'ordre de la guerre, je suis entré dans les Fils des Ténèbres pour connaître leurs méthodes et pouvoir les vaincre. Vous pensez bien qu'un membre de la Guilde n'inspire jamais confiance.
    - Vous, un Fils des Ténèbres ?
    - Et le meilleur, Julian. Enfin, je crois pouvoir dire que plus personne ne me dispute le titre maintenant. Je les ai à peu près tous exterminés aussi. Les quelques survivants ont renié la Guilde.
    - Mais quel héros vous faites ! s'enthousiasma Julian. Vous feriez une recrue de choix dans notre ordre !
    - Non, Julian. J'ai maintenant d'autres engagements. Je suis le champion du feu.
   Julian inclina la tête.
    - J'ai entendu parler de la souveraine du feu. Sa renommée a franchi les frontières de son royaume et sa bonté pour les elfes est reconnue.
    - Pas seulement pour les elfes, Julian. Méline accueille tous les réfugiés, quels qu'ils soient. Soyez sûr qu'elle vous souhaiterait la bienvenue, même avec votre réputation de chevalier du néant.
    - Azraël, intervint Zarth, nous n'avons pas de temps à perdre. On ne sait pas le nombre de clones de Gaud disséminés sur Yslaire !
   Azraël acquiesça et bondit en selle.
    - Puis-je vous accompagner ? s'enquit Julian. Ma lame pourra peut-être vous être utile.
   Azraël hocha la tête ; les chevaliers du néant avaient une réputation de fiers guerriers.
    - A une condition : plus de messire, de vous et autres tournures alambiquées ! Nous sommes Zarth et Egan, ou Azraël, si tu préfères.
    - Très bien, Azraël, fit Julian avec un sourire amusé.
   D'un coup de genou il fit faire demi-tour à sa monture dégingandée et suivit les deux amis.

Texte © Azraël 1996 - 2002.
Bordure et boutons Black Cat, de Silverhair

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