Frère et soeur

   Azraël ne mit pas longtemps à repérer Julianne. Sans ralentir Furnerius, il se retourna, une flèche déjà placée sur son arc. Il visa soigneusement et relâcha la corde. La flèche fila droit vers la monture de Julianne, une flamme courant sur sa pointe aiguisée. Le cheval se cabra en hennissant de terreur, tandis que le trait se plantait juste sous ses antérieurs.
    - Tu ne me fais pas peur, Azraël ! cria Julianne.
   Elle relança sa monture au galop.
   A sa grande surprise, Furnerius, sans cavalier, l'attendait un peu plus loin, broutant tranquillement l'herbe tendre. Julianne s'arrêta, décontenancée. Un cri sauvage déchira les airs et une masse sombre s'abattit sur elle, la faisant tomber de cheval. Azraël la plaqua au sol, la navaja appuyée sur son cou.
    - Pourquoi me suis-tu ? grogna-t-il.
    - Mon père..., murmura Julianne.
   Son regard noir était suppliant. Azraël se redressa et la regarda. Elle n'osait pas bouger ; elle comprenait mal l'attirance qu'elle avait pour cet homme brutal et sauvage, mais possédant une certaine noblesse de coeur.
    - Relève-toi, Julianne. Tu ne vas pas rester toute la journée par terre.
    - Vous me faites confiance ? demanda la jeune femme en obéissant.
    - Je ne fais confiance à personne et surtout pas à un membre de la Guilde qui voulait me tuer il y a à peine une heure !
    - Je ne savais pas...
    - Tu ne savais pas quoi ? ricana Azraël. Que j'avais failli tuer ton Jeliel ?
   Il lui tourna le dos. Julianne, prise d'une impulsion qu'elle ne put contrôler, dégaina sa navaja et leva le bras.
   Avant même que sa lame ne le touche, Azraël avait pivoté sur ses talons et il bloqua le poignet. Julianne se débattit sauvagement. Sa transformation s'amorça ; Azraël avait déjà une force assez considérable, mais devant un tigre-garou hybride, il serait obligé de s'incliner, à moins de se transformer lui-même, ce qu'il ne voulait pas. La navaja de Julianne s'enfonça dans son épaule gauche et il sentit un poison s'infiltrer dans son sang. Les lames des assassins étaient souvent empoisonnées. Se raidissant contre la douleur, il gifla violemment Julianne. Sous le choc, elle fut projetée au sol et reprit sa forme de jeune femme. Azraël fut aussitôt sur elle.
    - Je ne l'ai pas fait exprès ! hurla Julianne.
    - Je sais.
   Il la retourna, face contre terre, et souleva la lourde chevelure châtain.
    - Tu portes sur toi l'odeur d'Ankrist, gronda-t-il.
   Ses narines palpitaient et il ne tarda pas à découvrir ce qu'il cherchait : une minuscule aiguille enfoncée à la base de la nuque. Il la posa sur une pierre et l'écrasa soigneusement sous une autre.
   Puis il se releva et s'occupa de son bras gauche. Son immunité aux poisons avait fait son oeuvre et le venin avait été neutralisé. Serrant les dents, il arracha la navaja d'un coup sec.
    - Le poison que j'utilise habituellement est mortel pour tous, murmura Julianne, toujours à terre.
    - Aucun poison ne peut me tuer, répondit Azraël en retenant une grimace. En selle !
   Il s'installa sur le dos de Furnerius ; les rênes pendaient sur l'encolure et il serrait son épaule de sa main droite. Julianne vint vers lui.
    - Je ne sais pas ce qui m'a prise...
    - Je le sais, moi. Gaud avait implanté dans ta nuque cette aiguille que j'en ai retiré, pour que Ankrist voie et entende tout par ton intermédiaire. Quand je t'ai tourné le dos, il a dû entonner le Chant des Assassins, te rappelant la mission qu'il t'avait confiée. Tu ne maîtrises pas encore ta lycanthropie, si bien qu'il a pu te forcer à te transformer. Hâte-toi !
   Au ton rogue qu'il avait adopté, Julianne comprit que ce n'était pas seulement ses actes qu'il n'aimait pas expliquer, mais également tout ce qu'il se passait autour de lui.
   Les deux chevaux partirent au galop sans plus attendre. Azraël guidait Furnerius avec ses seules jambes, le moindre geste du bras gauche le faisant trop souffrir. Julianne, un peu en retrait, contemplait les cheveux châtains décolorés par le soleil. Elle ne savait pas pourquoi elle lui faisait plus confiance qu'à Gaud ou à Ankrist.
    - Azraël... tu as dit que Ankrist savait tout par mon intermédiaire, n'est-ce pas ? Mais alors, cela veut dire...
    - Cela veut dire que le Fils des Ténèbres Ankrist Elrich est vivant, acheva Azraël d'un ton funèbre.
   Julianne frissonna.
    - Il te déteste, constata-t-elle.
    - Il a juré ma mort, répondit Azraël sans émotion. Quitte à détruire Yslaire. Je croyais pourtant bien l'avoir tué. Shilka a dû passer par là.
    - Qui est Shilka ?
    - Shilka Ka'Brézil, noble drow de la maison des Maskelyne, fiancée d'Ankrist.
    - Une elfe noire !
    - Que veux-tu ! Les assassins n'ont pas de bonnes fréquentations.
    - Où m'emmènes-tu ?
    - Au royaume de Slar.
    - Je ne peux pas y aller ! J'ai participé à l'expédition contre ce royaume.
    - Je ne t'en félicite pas. C'était très mal organisé.
   Julianne se souvint qu'il lui avait déjà fait la même remarque.
    - Mais les habitants vont m'en vouloir !
    - Si tu crois qu'ils t'ont remarquée ! Ils étaient plus pressés de jouer le jeu de Méline que de regarder leurs assaillants ! Le peuple de Slar est pacifique.
    - Pourtant on parle de plus en plus des légions de feu qui luttent contre les troupes d'Ordreth.
    - Les forces spéciales de la couronne ardente. Mais assez bavardé. Voici Slar !

   Slar était aussi le nom de la ville où se trouvait la cour flamboyante. Azraël contourna soigneusement les nouveaux murs de la cité et regagna la forêt que les squelettes de la vérité appelaient la Forêt du Tigre. Une fois devant le temple de Chyraz, il desserra enfin les dents.
    - Attends-moi ici, intima-t-il à Julianne.
   Il descendit de cheval et poussa la porte du temple. Sans Nom se retourna en l'entendant. Azraël referma la porte derrière lui et s'appuya sur le battant. Leurs regards s'affrontèrent un moment.
    - Pourquoi ne m'as-tu pas dit que j'avais une soeur ? demanda-t-il soudain d'une voix paraissant terrible dans le silence.
    - Tu l'as donc rencontrée.
    - Elle attend dehors. Elle veut voir son père.
   Sans Nom eut un geste de recul.
    - Pourquoi me l'as-tu caché, père ?
    - Je te connais. Tu l'aurais prise sous ton aile, renonçant à ta solitude.
    - Et alors ?
    - Sais-tu pourquoi je suis le prêtre Sans Nom ? Indis a réprouvé mon mariage avec Zerynthice et lorsque ta soeur est née, elle m'a exilé sur Yslaire, me condamnant à être le prêtre Sans Nom jusqu'à ce que mes descendants s'éteignent.
    - Le vrai prêtre de Chyraz connaît-il ton identité ?
    - Non. Indis ne l'a pas mis au courant.
    - Ainsi donc tu espérais que nous mourrions rapidement, afin de pouvoir regagner les sphères célestes.
    - Exactement.
    - Tu sacrifiais la vie de tes enfants par égoïsme ! hurla Azraël, hors de lui.
    - As-tu bien regardé mes enfants ? Des assassins tous les deux ! Débarrasser la planète de leur présence serait un acte charitable. En fait, je n'accepte qu'à une seule condition de rester prêtre de Chyraz : vous devez émouvoir le coeur d'une essence de lumière. Vous êtes d'ombre tous les deux ; il vous est facile de trouver des amis d'ombre. Mais je vous demande de trouver des amis de lumière.
    - Tu n'as pas le droit d'exiger cela ! râla Azraël. Tu sais bien que l'ombre gagne toujours sur la lumière ! Tu ne peux pas nous demander de pervertir des êtres de lumière !
    - Trouve ceux qui résisteront à l'ombre, répondit Sans Nom.
   Il allait partir. Azraël le saisit par sa tunique.
    - Reprends ta vraie forme, Azraël, ange noir ! gronda-t-il.
   L'ange noir ayant été appelé par son prénom, il fut obligé de s'exécuter.
   Son fils ouvrit la porte du temple et le poussa dehors.
    - Va expliquer cela à ta fille, père indigne !
   A ces éclats de voix, Julianne leva la tête. L'ange noir resta confondu devant la clarté du regard noir. Azraël le poussa en avant.
    - Dis-lui tout !
    - Je... je suis ton père, enfant, fit l'ange noir de mauvaise grâce.
   Julianne ouvrit de grand yeux.
    - Mais... mais tu es...
    - Je suis Azraël, l'ange noir, serviteur d'Indis.
   Sous le regard impérieux de son fils, l'ange noir fut obligé de répéter tout ce qu'il venait de dire.
   Julianne n'arrivait pas à le croire.
    - Tu veux dire que tu nous as sacrifiés, Azraël et moi ?
    - Oui.
    - Et pour que tu puisses regagner le palais d'Indis, je dois renoncer à Jeliel.
    - Je vous surveillais, Azraël et toi. Si tu avais voulu épouser Jeliel, je l'aurais tué.
    - Et si nous rencontrons des êtres de lumière, tu vas les tuer aussi !
    - Non. Je n'ai aucun pouvoir sur ceux de lumière.
   Julianne baissa la tête, accablée. L'ange noir reprit sa forme de prêtre et rentra dans le temple de Chyraz.
    - Je suis désolé, Julianne, fit Azraël. J'aurais dû te préparer à cette épreuve.
    - Tu savais qu'il agirait comme cela ?
    - Pas tout à fait, non, mais je le connais bien. Je n'ai jamais connu Zerynthice, tu sais. J'ai toujours vécu avec l'ange noir.
    - Tu es mon frère. J'ai voulu tuer mon frère !
   Azraël regarda son épaule avec un petit sourire résigné.
    - Qu'est-ce que cela peut faire ?
    - Tu le savais, n'est-ce pas, que j'étais ta soeur ? C'est pour cela que tu n'as pas voulu me tuer !
    - C'est exact. L'ange noir n'a pas de nom de famille, comme les dieux. Si bien que le nom de famille de sa fille devait être son prénom. Maintenant, viens !
    - Où allons-nous ?
    - A la cour flamboyante.

   Azraël utilisa la porte des voleurs pour rentrer dans la ville. Comme d'habitude, les habitants ne firent pas attention à lui. Julianne remarqua qu'il y avait beaucoup d'elfes.
    - Les réfugiés, expliqua Azraël. Méline a ouvert les portes du royaume aux victimes d'Ordreth.
    - Azraël... Méline semble être d'essence de lumière.
    - J'y ai déjà pensé, Julianne. Mais par tous les dieux des enfers, cela ne se fera pas ! Plutôt mourir que de l'attirer dans l'ombre !
   Le premier qu'ils rencontrèrent fut Zarth qui venait d'achever son entraînement.
    - Heureux de te revoir, ami ! fit-il.
    - Zarth, je te présente Julianne, ma soeur.
    - J'ignorais que tu avais une soeur.
    - Moi aussi, figure-toi. Je l'ai appris tout récemment.
    - Même en l'absence de la maîtresse des lieux, je crois pouvoir affirmer, noble dame, que les amis d'Azraël sont les bienvenus ici.
   Julianne inclina la tête d'une façon imperceptible.
   Lorsqu'elle s'éloigna avec son frère, elle retrouva l'usage de la parole.
    - Azraël, il s'agissait d'un elfe noir !
    - L'un des meilleurs, Julianne. Il a rallié la cause de Méline.
   Santig-du les attendait déjà.
    - Bienvenue, ami !
   Azraël fit les présentations, mais le guerrier blanc de Chyraz passa au sujet qui lui tenait à coeur.
    - Ami, tu veilles toujours sur Méline, n'est-ce pas ?
    - Ma parole est sacrée, Santig-du.
    - Elle a disparu.
    - Je sais. Je vais bientôt aller la chercher.
   En quelques mots, il expliqua ce qu'il s'était passé.
    - Je ne pouvais pas croire que tu l'avais abandonnée, fit Santig-du en retrouvant le mince sourire qui lui était habituel.
    - Que fait Ozanam ? demanda Azraël.
   Pour toute réponse, Santig-du lui désigna une fenêtre.
   Le jeune homme s'y pencha et vit le barde tranquillement assis sur un mur, regardant Zarth entraîner les autres elfes.
    - Il fait cela tous les jours. Sinon il chante, pour inciter à la paix.
    - Empêche-le de parler à Zarth.
   Justement, Ozanam prenait l'elfe noir à partie. Azraël surprit quelques mots :
    - Tu fais peur aux habitants... partir...
   Furieux, il enjamba l'appui de la fenêtre et se laissa tomber au sol.
    - Le fou ! fit Santig-du.
    - Les assassins supportent sans dommage les chutes de moins de six mètres, intervint Julianne qui regardait son frère s'avancer à pas décidés vers Ozanam et Zarth.
   Azraël entendait le jeune elfe opposer une faible résistance :
    - Méline m'a dit de rester et Urian m'a assuré du soutien des elfes.
    - Je te dis que la résistance sera plus forte quand tu seras loin !
   Une poigne de fer le fit pivoter sur ses talons.
   Azraël, l'épaule gauche ensanglantée, mais le regard fier, lui faisait face, l'air peu aimable.
    - Laisse Zarth tranquille, Ozanam, ordonna-t-il.
    - Te voilà de retour ! Méline doit être arrivée aussi alors. Je vais la voir.
   Mais Azraël ne desserra pas l'emprise de ses doigts sur le coude du barde.
    - Je t'interdis d'adresser la parole à Zarth et la porte de Méline te sera également interdite.
    - En vertu de quoi ? Tu n'as aucun pouvoir ici !
    - Détrompe-toi. Je fais ce que je veux. Si tu passes outre, tu seras mis aux arrêts.
    - Je désobéirai, sois-en sûr ! Et tu pourras toujours aller te plaindre à Méline !
    - Je règle mes comptes moi-même, crois-moi.
    - Ah oui ? Alors que tu es blessé ? ironisa Ozanam en donnant un petit coup dans l'épaule d'Azraël.
   Le jeune homme ne bougea pas d'un muscle.
    - Ne me pousse pas à bout, Ozanam. Tu le regretterais !
    - Méline t'interdira de me toucher !
    - Méline croira ce que je lui dirai !
    - J'ai pris plus d'influence sur elle que tu ne le crois.
    - Très bien, si tu le vois comme cela.
   Zarth avait entraîné ses élèves plus loin et les deux hommes se retrouvaient donc seuls, avec pour seuls spectateurs Santig-du et Julianne à leur fenêtre. Azraël enleva ses gants, ses protège-bras et sa tunique. Ozanam comprit aussitôt ce qu'il avait en tête, mais il hésita.
    - Tu es blessé. Je ne veux pas qu'on m'accuse...
    - On ne t'accusera de rien du tout.
   A regret, le barde ôta sa tunique blanche. Il était à peu près de la même stature que Azraël.
   Les deux hommes se firent face. Le jeune assassin gardait son bras gauche collé contre son flanc pour éviter de bouger l'épaule. Ozanam porta la première attaque et visa bien sûr l'épaule blessée. Azraël s'effaça au dernier moment et saisit son adversaire à la gorge. A la seule force du poignet, il le souleva de terre. Mais Ozanam avait les bras plus longs que Azraël et il donna un violent coup de poing dans la blessure. Julianne, si éloignée qu'elle fut, vit pâlir son frère, mais pas un cri ne jaillit des lèvres serrées.
    - Ce n'est pas loyal ! protesta Julianne.
    - Laisse, fit Santig-du. Il va réagir.
   En effet, Azraël, plutôt que de relâcher son emprise sous la douleur, jeta son adversaire sur le sol dallé et le bloqua, le genou sur la poitrine. Ozanam se débattit, mais Azraël l'avait immobilisé dans une clef imparable. Le barde dut s'avouer vaincu. Le combat n'avait pas duré plus de cinq minutes.

   Azraël se releva.
    - Approche encore de Zarth et tu recevras une autre correction. Approche Méline et je te tue. Est-ce clair ?
    - Très clair, Fils des Ténèbres, répondit Ozanam.
   Azraël ne réagit pas à l'insulte voilée. Le barde avait encore une note soumise dans la voix ; il se souvenait de l'étrange regard fou de son adversaire, non plus le regard d'un homme, mais celui de la bête sauvage qui dormait en Azraël. Il s'en alla, tandis que Santig-du et Julianne rejoignaient le vainqueur.
    - Santig-du, pendant mon absence, empêche Ozanam d'approcher Zarth et interdis-lui la porte de Méline. Dis-lui que j'ai ordonné à ma souveraine de rester dans sa chambre tant que je ne serai pas de retour et qu'il n'a pas le droit de la voir.
    - Tu comptes repartir tout de suite ?
   Le sombre regard d'Azraël contempla les immensités lointaines.
    - Sans doute, oui.
    - Soigne cette blessure, au moins.
    - A quoi bon ? Elle guérira bien toute seule.
    - Et si tu as à te battre ?
    - Santig-du, mon ami, la première chose qu'on apprend à la Guilde, c'est d'oublier ses douleurs. N'est-ce pas, petite soeur ?
    - Bien sûr, mais peu maîtrisent cette faculté.
    - N'oublie pas que je suis maître noir des assassins ! sourit Azraël. Au fait, Santig-du, je connais le nom de l'homme qui m'a trahi à la Guilde.
   Il se pencha et chuchota un nom à l'oreille du guerrier.
    - Etonnant, fit celui-ci sans pourtant manifester la moindre surprise.
    - N'est-ce pas ? ricana Azraël, un peu amer.
    - Que veux-tu que je fasse ? Le faire surveiller par un de mes hommes ?
    - Non. Nous devons concentrer toutes nos forces sur les troupes d'Ordreth. A ce propos, comment cela se passe-t-il de ce côté ?
    - Nous sommes obligés de nous aventurer de plus en plus loin. Les tribus les plus proches ont déjà été ou décimées ou sauvées. Nos légions traversent régulièrement le domaine d'Erza.
    - Mauvais, cela. Erza est certainement de mèche avec Ordreth.
    - Sans doute, mais nous ne pouvons rien y faire.
   Azraël haussa une épaule.
    - L'envie de partir me démange déjà, dit-il, mais il faut que je laisse à la prêtresse le temps de guérir Méline.
   Santig-du secoua doucement la tête.
    - Pas d'accord. A mon avis, plus tu reviendras vite, plus la prêtresse verra que tu tiens à Méline.
    - Elle croira aussi qu'elle est la seule à m'accepter et que j'agis par intérêt.
    - N'est-ce pas le cas ? demanda Santig-du en souriant.
    - Oui, mais pas le même intérêt.
    - Alors pars avec Julianne. Elle verra bien que tu n'es pas seul.
   Azraël hocha la tête.
   Le regard de Santig-du, au bleu délavé par la pluie vint se poser sur Julianne.
    - Veille bien sur lui et prends garde à toi, murmura-t-il. Que la protection de Chyraz vous accompagne.
   A sa grande surprise, Azraël eut l'impression qu'un courant passait entre sa soeur et Santig-du. Le grand guerrier s'éloigna.
    - Je crois que tu as déjà trouvé l'essence de lumière, fit le jeune homme.
    - Je pense qu'il restera de lumière, toujours, chuchota Julianne en réponse.
    - Ne sous-estime pas le pouvoir de l'ombre ! s'exclama Azraël avec violence. Promets-moi une chose, Julianne : si Santig-du fait mine d'être attiré par les ténèbres, renonce à lui pour qu'il puisse retourner dans la lumière ! C'est un homme à qui je pourrais faire confiance.
   Julianne acquiesça.
    - Je te le jure, Azraël. Je ne veux pas le condamner à l'ombre. Et cette Méline que je ne connais pas ? demanda-t-elle après un silence.
    - Il n'en est pas question, Julianne. Et je t'interdis de lui en parler. Elle a déjà essayé de m'aider, mais pour moi, il est trop tard. Je fais partie intégrante des ténèbres.
   Azraël n'avait pas le moindre regret en disant cela. Il présentait simplement les faits et en tirait les conclusions qui s'imposaient, sans dramatiser.

Texte © Azraël 1996 - 2002.
Bordure et boutons Black Cat, de Silverhair

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