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Prologue
- Majesté, mes seigneurs, l'heure est grave, annonça pompeusement un homme rondouillard qui présidait l'assemblée aux côtés du roi. Le bandit connu sous le nom de Rôdeur a encore fait des siennes et les gens rient de nous à chaque fois qu'il invente une nouvelle mauvaise plaisanterie. Cela ne peut plus durer ! Nous devons réagir, et vite !
A droite du roi siégeait un enfant, visiblement passionné par cette conversation et ses yeux ne cachaient guère le fait qu'il prenait parti pour le bandit. L'orateur le désigna et continua sur sa lancée :
- Où allons-nous si même le prince héritier admire ce hors-la-loi ? Il faut faire quelque chose contre cet homme !
Un jeune prétentieux haussa dédaigneusement les épaules.
- Offrons des primes pour sa capture, fit-il d'un ton profondément ennuyé.
- Naturellement, seigneur Lyon, ironisa l'orateur. La prime actuelle est de dix mille pièces d'or et personne n'est venu ! Personne ne le dénoncera et les meilleurs chasseurs de prime sont revenus bredouilles... pour ceux qui sont revenus. Sur un groupe de cinq chasseurs, les meilleurs de toute la contrée, seuls deux sont revenus et tellement choqués qu'ils ont juré de laisser le Rôdeur en paix et même de l'aider si jamais il le leur demandait ! De plus, où allons-nous trouver l'argent pour augmenter la prime ? Dans vos coffres peut-être ? Le dernier méfait du Rôdeur a justement été de vider les coffres du royaume. Nous n'avons plus un sou, seigneurs !
- C'est intolérable ! protesta un autre seigneur présentant un certain nombre de points communs avec le seigneur Lyon. Il faut immédiatement lever de nouveaux impôts ! Le peuple doit payer, puisqu'il refuse de nous aider contre ce bandit !
- Pourquoi le peuple nous aiderait-il contre le Rôdeur, intervint le roi, puisque ce hors-la-loi fait figure de héros ? Seule la noblesse trouve quelque chose à redire à ses actions. Nous devons intervenir seuls.
- J'ai une idée, dit le seigneur Lyon. Nous n'avons qu'à sortir un voleur habile de nos geôles, lui promettre l'indulgence en cas de réussite et lui demander de perpétrer ses forfaits sous le nom du Rôdeur. Tôt ou tard, celui-ci sera ulcéré par ce vol d'identité et il réagira ! Comme le voleur agira sous nos ordres, nous saurons toujours où il sera et nous serons prêts à cueillir le Rôdeur !
Le roi regarda autour de lui ; à part le petit homme rondouillard, le seigneur Venge, qui avait l'air horrifié, tous les autres semblaient trouver l'idée merveilleuse.
- Très bien, acquiesça le roi. Seigneur Lyon, vous êtes nommé responsable de l'opération. Naturellement, si elle échoue, vous en serez également tenu pour responsable.
Le seigneur Lyon se leva et s'inclina.
- Je m'en doute, Sire, répondit-il sans le moindre sourire d'ironie.
La séance fut levée.
Dans une auberge, à la nuit tombée, deux hommes étaient assis à une table devant un brouet plus ou moins appétissant. Le premier, joyeux et disert, ne cessait de rire et de lancer des boutades ; le deuxième, plus réservé, déplaçait silencieusement les morceaux de viande qui flottaient dans son bouillon pour les ranger méthodiquement contre la paroi du bol.
- Petit frère, tu pourrais au moins faire semblant de rire à mes plaisanteries ! s'exclama le premier, essayant vainement de paraître offensé.
- Tu ris pour deux, Alikor, rétorqua l'autre sans relever le nez de son bol.
- Quand je pense que tant de femmes rêvent nuit et jour au Rôdeur ! Quelle déception pour elles si elles te voyaient si grognon et si peu enthousiaste !
Cette remarque eut le résultat escompté : le jeune homme releva la tête et regarda son frère.
- Un jour, ta langue trop bien pendue te portera préjudice, l'avertit-il avant de baisser à nouveau les yeux sur son infâme brouet auquel il n'avait toujours pas touché.
- Tu parles ! ricana Alikor. Je pourrais hurler que tu es le Rôdeur que personne ne réagirait !
Son frère haussa les épaules.
- Si tu fais ça, je n'aurai aucun mal à te faire passer pour fou.
Il se leva, un air de dégoût s'inscrivant sur son visage maigre lorsqu'il désigna son bol de brouet.
- Tu paieras l'aubergiste pour cette horreur qu'il ose appeler nourriture.
- Où vas-tu ? cria l'autre.
- Là où personne ne peut me suivre, répondit son frère en sortant de l'auberge.
Texte © Azraël 2000 - 2002.
Bordure et boutons Alien Gold, de Moyra/Mystic PC 1998.
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