Dans la chaleur du jour torride
Marche un voyageur livide.
Ses outres d'eau sont vides
Mais ses yeux brillent, intrépides,
Et il ne semble pas souffrir
De cette soif qui fait tout mourir.
Solitaire, inconnu, cet homme énigmatique
Arbore un rictus, sourire ironique.
C'est que ce chevalier errant,
Au cœur meurtri, au corps sanglant,
Est plus craint et plus maudit encor
Que le noir royaume de la mort.
Alors voici ton hymne, ô aventurier !
Un instant, écoute ce chant de liberté
Et oublie, au moins pendant la nuit,
Cette triste renommée dont tu jouis.
Sans cesse, tu respires le désespoir,
Mais c'est ce qui fait ton pouvoir.
Tu erres éternellement, sans peur,
Car tu es le vent, celui d'ailleurs ;
Si ton premier mot fut loyauté,
Bien vite le second fut liberté,
Car elle coule dans tes veines, elle est ton sang,
Le rendant toujours plus ardent.
Debout dans la solitude nocturne,
Tu te dresses, immense et taciturne,
Et tu regardes le soleil briller,
Et tu écoutes la lune pleurer,
Oh, triste vagabond des dunes,
Libre voyageur des brunes.
Voici ton hyme, ô aventurier,
Toi, l'élu du Dieu justicier !
La solitude est ta compagne de souffrance
Comme la malédiction est celle d'errance.
Debout au milieu de syzygie,
Tu restes seul, insoumis à la vie.
Quand les lèvres ne connaissent plus que les insultes,
Quand triomphent les forces occultes,
Quand le côté noir lui-même exulte,
Seul contre tous, tu surgis du tumulte,
Toi que jamais rien ne rebute,
Même si plus dure sera ta chute.
Ton nom fait partie des maudits,
Tous les lieux te sont interdits
Et toutes les portes te sont fermées,
Car on craint la vitesse de tes épées,
Car la magie paraît impuissante contre toi,
Car, pire que tout, ton courage est ta seule foi.
Voici ton hymne, ô aventurier,
Toi qui as l'habitude d'être renié !
Souriant quand même, tu continues ta route,
Pour défendre, sans te laisser assaillir par le doute,
Cette belle et étrange patrie que tu as reçue,
Cette belle et étrange patrie que tu n'as jamais vue.
Sur ton passage, les gens s'écartent vivement
Comme si tu étais un cadavre ambulant.
Impavide, tu reçois leur anathème,
Le visage impassible, le coeur blême.
Que leur importe, à eux, la beauté de ton âme,
La simplicité de tes rêves, la pureté de ta flamme !
Jamais ton coeur ne connaît l'oubli
Et tu as toujours présent à l'esprit
Les mille et un visages de tes ennemis.
Mais tu te souviens aussi de tes amis,
De ceux qui partagent tes rêves insoumis
Et tes chevauchées vers les mondes infinis.
Voici ton hymne, ô aventurier,
Toi que l'on dit être né au pied du gibet !
Libre et solitaire, tu as l'habitude de l'éternité
Quand tu affrontes la mort avec pour toute arme ton humanité.
Tu vis chaque instant comme s'il devait être le dernier
Et ta vie y gagne à chaque fois un peu plus d'intensité.
Quand la mort s'emparera de toi, fier aventurier,
Quand il ne se sera plus, celui qui se disait justicier,
Les cris de joie résonneront autour de ton cadavre
Mais plus jamais ne pourra se trouver un havre ;
Ton absence sera ressentie cruellement
Et tous pleureront alors la disparition de ton sang.
Ne nous quitte pas, ô ami ! Non, jamais !
Mes larmes coulent pour toi, et tu le sais,
Et mon cœur saigne en te voyant si pâle.
Le mal guette et c'est l'heure de ton dernier râle,
Mais sache que je t'offrirai le tombeau des glaces
Pour que ton corps ait le repos sans menaces.
Voici ton hymne, ô aventurier,
Toi qui as déjà donné toute ta pitié !
Pour toi s'ouvrent les corps enflammés des rochers,
Pour toi dansent les ombres du feu en horizons brisés,
Pour toi s'allument les couleurs nocturnes des nuits d'été,
Pour toi se remplissent les mers de lune par l'obscurité.
Ami, maintenant que sonne l'heure où tu t'endors
Dans le tendre et accueillant sein de la mort,
Sache que tu étais mon rêve, ma vie, ma solitude,
Que tout était rythmé par tes rires et ta lassitude.
A tes côtés, j'ai appris ce qu'était la liberté,
Car tu m'as fait tenir dans mes mains cet oiseau fragilisé.
Ami, tu étais mon soleil et toute ma vie,
Et maintenant, ton étoile a perdu toute son énergie.
Je ne te verrai plus surgir à l'horizon,
Les cheveux fous, caracolant sur ton étalon,
Le rire en cascade et le danger dans les yeux
Et, sur ton front, la marque visible des cieux.
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Symbolism
Copyright © Robin Wood 1997.
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