Lorsque l'âme quitte le corps,
A l'heure où l'étreint la mort,
Chacun redoute que, corps au cimetière,
L'âme s'enfonce dans les profondeurs de la terre.
Sous la surface où la nature fleurit,
Ce n'est ni le Purgatoire, ni le Paradis,
Mais bien le royaume des damnés, l'Enfer,
Là où règne, maître incontesté, Lucifer.
Tous les noms sont bons pour le qualifier,
Lui, le prince du territoire damné,
Et pourtant, ce pauvre Satan si calomnié,
Le voici maintenant campé en sacrifié.
Echoué dans ce triste royaume, par mauvaise destinée,
Il a longtemps cru que son étoile était mal née.
Rappelez-vous : n'était-il pas ange auparavant ?
La rébellion peut-elle faire changer si radicalement ?
Cachant ton front, signe de soumission,
Tu te sais condamné à l'éternelle damnation.
Prisonnier contre ton gré jusqu'au jugement dernier,
Tu sais que tu ne goûteras la liberté que pour succomber.
Tu n'as pas oublié la lumière divine vivifiante
Et tristement, tu la compares à la violente chaleur ardente,
Celle qui règne dans ton royaume désolé,
Mais il ne te reste que tes yeux pour la pleurer.
On t'a ordonné de tourmenter les damnés,
Tous ceux qui de leur Dieu s'étaient éloignés
Et, soumis à ton Seigneur, tu as exécuté,
Mais bien malgré toi, ce qu'on t'avait demandé.
Hélas ! De cette obéissance on a médit !
Repens, repens-toi d'avoir si bien obéi !
Car te voilà maudit et enfermé pour toujours,
Toi qui voudrais tant revoir la douce clarté du jour.
Et tu as enfanté la croyance d'un démon
Dont terrible et redouté est le renom.
Tu as simplement créé toi-même ton malheur,
Tu es responsable de tes propres douleurs.
Origines séraphiques appartenant au passé,
Tu n'es plus qu'un ange déchu et rebellé.
Alors pour rompre l'ennui et tromper le temps,
Tu as inventé tourment après tourment.
Mais aussi loin que tes pas te mènent,
Tout te rappelle ces trop nombreuses peines :
Devant toi, les damnés mettent leur âme à nu
Et tu entends les cris de souffrance du pauvre reclus.
Alors tu as imaginé d'inventer le Paradis,
Lieu de récompense pour les âmes qui ont bien obéi,
Placé au sein du lumineux amour divin,
Là où Dieu a étendu et gardé Sa main.
Mais les ténèbres de ton Royaume des Ombres
Restent, quant à elles, toujours aussi sinistrement sombres.
Seul un brasier infernal y brûle sans relâche,
Nourri par les âmes noires qu'il arrache.
Ses flammes de sang s'étirent vers le ciel,
Chaleur ardente, lumière violente, éclat cruel,
Brûlant feu d'enfer qui étouffe sous terre
Et qui se voudrait libre, et qui doit endurer son calvaire.
Dans ton royaume souterrain dominent deux couleurs,
Qui se mêlent, s'allient et s'affrontent sans heurts.
Deux couleurs pour le malheur et la tristesse,
Deux couleurs pour la violence et la détresse.
Rouge ardent, comme le sang, comme la douleur,
Rouge passionné, comme les battements du cœur,
Rouge des flammes maudites formant brasier ardent,
Rouge du danger, qui brise net le moindre élan.
Noir vertigineux, comme les mystères sombres et mortels,
Noir, couleur du deuil, des longs pleurs éternels,
Noir brûlant, comme les ténèbres, peur de l'enfant,
Noir des tombes du cimetière lugubre et effrayant.
Et ce cimetière, si souvent associé à ton royaume dément,
Où l'on ne peut retenir un frisson en entrant,
Ne recueille que les pauvres soupirs des morts
Et les pleurs des vivants sur quelques corps.
Oh ! Sans cesse, tu penses à ce que tu subis dans cet Enfer,
Où tu aurais préféré être victime plutôt que Lucifer,
Et dans ta solitude toujours et encore grandissante,
Tu attends le jugement avec une joie impatiente.
Et certains d'injures continuent à t'agonir,
Dussent-ils te rejoindre, dussent-ils mourir,
Car pour empêcher ce qu'ils considèrent folie,
Ces veules ont retrouvé un regain d'énergie.
Oui, ils savent que ta solitude prendra fin,
Que Dieu enfin vers toi tendra Sa main
Et la mort t'emportera pour un sommeil rédempteur,
Sans rêve, sans cauchemar, hantise de ta douleur.
Prince des Ténèbres, Roi de l'Enfer,
Tu recherches de la compagnie au coeur de l'hiver,
Mais autour de toi, il n'y a que démons et hommes de guerres,
Et tu te tournes vers le ciel, où montent tes prières.
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Elysium
Copyright © Jeffrey K. Bedrick 1987.
Used with permission
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