Danse, danse au coeur de la nuit,
Danse et oublie tout ce que tu as détruit.
Il fut un temps où les hommes avaient peur de toi,
Puis ils ont compris que tu pouvais venir sous leur toit.
Et maintenant, assemblés autour de toi en famille,
Ils te regardent, tandis que tu vacilles.
Et tu danses dans ta robe de flammes,
Cuirassé d'or et de velours en lames,
Et chacun de tes mouvements embrase l'air
Comme un serpent de feu se lovant dans ta chair.

Danse, enflamme-toi, embrase-toi,
Et que ta magie opère encore une fois !
Toi qui prêtes tes couleurs au crépuscule
Quand il s'embrase, et ta brûlure à la canicule,
Ô feu, tu t'es laissé domestiquer,
Mais les hommes ne t'ont pas tout à fait entravé
Et c'est quand tu brûles en sauvage
Que tu laisses libre cours à ta rage.
Haine, passion, démesure, tu précipites ta danse
Et tu engloutis tout dans la chaleur de ta démence.

Danse, danse avec le chant des esclaves,
Danse et libère-toi de tes entraves.
Tes flammes ondoient au rythme du vent
Quand ta haine gronde sourdement.
Ta puissance coule dans nos veines,
Torrent empourpré qui brise nos chaînes,
Chaleur bienfaisante qui réchauffe les doigts engourdis,
Flammes mouvantes aux contours imprécis,
Mais brûlure ardente au moindre contact
Et menace de ne rien laisser d'intact.

Danse, brûle, tords-toi vers le ciel !
Ecoute son chant et réponds à son appel !
Feu, feu, tu es le purificateur,
Celui qui peut rendre à chacun son honneur,
Chacune de tes braises est une étincelle de sacré
Quand autrefois on employait les vestales à te veiller,
Et tes brasiers, et tes bûchers, en punition,
Quand les juges avaient rendu le décret d'ignition.
Ô feu éternel, flammes de l'Enfer, maudis les funestes sorts
Quand en toi résonnent encore tes protestations et les cris de tes morts !