Enée
Elissa, Elissa, est-ce bien toi que je vois surgir
Au milieu de ces ombres qui ne savent plus que gémir ?
Est-ce bien toi, comme la lune au milieu des nuages ?
Ah ! Tu as devancé l'appel des sombres rivages !
Elissa, Elissa ! Est-ce moi qui en fus la cause ?
Ah ! Je voudrais te consoler et pourtant, je n'ose !
Vas-tu, comme Créüse dans les ruines de Troie,
T'évanouir quand ma main touchera tes cheveux de soie ?
Elissa, Elissa ! Par tous les dieux du noir Tartare,
Je te le jure, je ne voulais pas qu'on nous sépare !
Ah ! Reine adorée, que n'ai-je subi mille naufrages,
Plutôt que te voir abandonnée sur ces sombres rivages !
Elissa, Elissa ! J'aurais tenu mon dernier serment,
Défiant les dieux ou l'ombre d'Hector couvert de sang !
Oh ! Je serais revenu, car ton nom vivait en moi !
Sans cesse je le répétais et c'était toujours la première fois !
Elissa, Elissa ! Quelle douleur de te voir en ce monde !
Toi, si belle, parmi les ombres, dans cette nuit immonde !
Ah ! Les dieux te font subir le dernier des outrages
En te forçant à fouler la terre de ces sombres rivages !
Elissa, Elissa ! Attends encore, ne t'enfuis pas !
Suis-je quelqu'un que l'on fuit, dans le monde d'ici-bas ?
Ce sont hélas les dernières paroles que je peux t'adresser !
Ne vois-tu pas que je t'aime et que ton destin me fait pleurer ?
Elissa, Elissa ! N'as-tu pas pardonné au fils de Cythérée ?
Oh ! Pardonne au malheureux Enée, ô reine adorée !
Ma seule faute fut de craindre les dieux et leurs rages !
Crois-moi, je ne voulais pas te conduire à ces sombres rivages !
Elissa, Elissa ! Tu te tais, ombre triste et silencieuse !
Je voudrais te prendre dans mes bras, pauvre malheureuse,
Mais je n'enlacerais rien que l'air froid et indifférent,
Tandis que tu emportes mon coeur dans le royaume du tourment !
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