Junon
Ah ! Il ne te suffisait donc pas de sauver les Troyens,
Tu m'as aussi volé mon peuple, les Phéniciens !
Ah ! Qu'as-tu fait ? Vois ton oeuvre, malheureuse !
N'as-tu donc pas entendu sa prière douloureuse ?
Pourquoi éveiller en elle des espoirs de douceur
Quand enfin, elle avait habitué au deuil son tendre coeur ?
Vénus
Pour sauver mon fils, j'aurais fait bien pire !
J'aurais vidé la mer, détruit un grand empire !
Mais mes pouvoirs sont faibles et restent limités !
Puisque je ne peux pas aplanir les difficultés,
Je fais s'apitoyer ses hôtes sur son triste sort
Les poussant à l'aider quand ils lui voulaient la malemort.
Junon
Est-ce une excuse pour torturer ainsi Didon ?
Dans son coeur je vois encore le trait de Cupidon !
Elle se débat en vain, soupire, tente de s'enfuir,
Mais son sein blessé continue toujours à gémir !
Dois-je lui faire croire que contre elle je suis courroucée ?
Dois-je la laisser croire que sa déesse l'a trompée ?
Elle avait confiance en moi, m'avait donné sa destinée !
Las ! En son coeur, le nom de Sychée est remplacé par celui d'Enée !
Pourtant n'a-t-elle pas déjà suffisamment souffert ?
Elle a vu son auguste époux périr par le traître fer,
Elle a fui la haine d'un frère, a erré sur l'océan !
Quelle est sa faute, pour la torturer ainsi inutilement ?
Vénus
Pour sauver mon fils, j'aurais attendri le cœur de Pluton !
Oui, je l'avoue, je voyais un grand danger en Didon !
La reine de Carthage t'est entièrement dévouée
Et je craignais ta haine déclarée pour mon fils Enée !
Que pouvais-je faire d'autre, sinon m'attacher la reine,
Même au prix pour elle de cette douloureuse peine ?
Mais peut-être que mon inquiétude maternelle fut trop poussée !
Peut-être en effet cette pauvre Didon fut trop maltraitée !
Pour protéger Enée, j'ai sans doute trop encouragé Cupidon
Et son trait sûr aura blessé trop profondément Didon !
Dis-moi, dis-moi, qu'attends-tu donc de moi ?
Parle ! Parle et je m'inclinerai, quel que soit ton choix !
Junon
Mon cadeau sera pour Didon la paix descendant en son cœur
Et pour Carthage, un roi digne d'elle, digne de cet honneur !
Que l'hymen unisse ces deux êtres à la tendresse enflammée
Et que sans honte, la reine de Carthage accepte le fils de Cythérée !
Que ces deux peuples ne soient qu'un et que sur la rive phénicienne
S'élève, plus glorieuse et plus puissante, la nouvelle cité troyenne !
Junon & Vénus
Notre cadeau sera pour Didon la paix descendant en son coeur
Et pour Carthage, un roi digne d'elle, digne de cet honneur !
Que l'hymen unisse ces deux êtres à la tendresse enflammée
Et que sans honte, la reine de Carthage accepte le fils de Cythérée !
Que ces deux peuples ne soient qu'un et que sur la rive phénicienne
S'élève, plus glorieuse et plus puissante, la nouvelle cité troyenne !
|