Didon
Ah ! Qu'il est donc beau, le fils de la déesse !
Quelle fierté dans le regard, quelle hardiesse !
Depuis longtemps déjà, lors des longues veilles,
Le récit de ses exploits était parvenu à mes oreilles !
Qui ne connaît le courage du valeureux Enée ?
Qui n'a pas entendu parler de cette âme bien née ?
Ah ! Quel trouble me saisit ainsi, à sa vue ?
Pourquoi mon coeur bat-il ? Pourquoi suis-je émue ?
Non, non, j'ai juré d'étouffer tout amour au berceau,
Comme Hercule agit avec les serpents venus du chaos !
Non, non, mon coeur est mort ! Ce serait me leurrer en vain :
Les dieux ont inscrit mon serment dans mon destin !
Vénus ! Mon refus de l'amour n'est pas une offense !
Ce n'est que l'expression du vide de mon existence !
Vénus ! Pourquoi ton fils a-t-il hérité de tes pouvoirs ?
Est-il venu sur mes côtes pour allumer de faux espoirs ?
Vénus, pitié ! Mon coeur est mort, enterré avec Sychée !
Et pourtant... pourtant, il tremble au nom d'Enée !
J'ai juré la fidélité à mon époux, par-delà la tombe !
Vénus ! Pourquoi donc veux-tu que je succombe ?
En quoi mon serment entrave-t-il tes desseins pour lui ?
Ah ! Prends pitié de moi et laisse mon coeur dans sa nuit !
Non, mon coeur est mort, comme la tentation ! Sychée, pardonne !
Pardonne à une parjure que sa foi abandonne !
|