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Mon père s'appelait Céphée, roi d'Ethiopie, et ma mère Cassiopée. Cette dernière avait conçu à l'égard des habitants de la mer une haine sans égale et la raison en était simple. Un jour que je jouais à la balle avec mes compagnes sur la plage, d'autres jeunes filles se joignirent à nous ; aucune de nous ne savait d'où elles venaient, mais elles étaient si gaies, si souriantes, que nous oubliâmes de leur poser la question. Notre jeu continua et, insensiblement, les nouvelles venues nous amenèrent vers la mer, jusqu'au moment où l'une d'entre elles jeta maladroitement la balle qui tomba dans l'eau. Le reflux l'entraîna un peu plus loin. Je refusai d'aller chercher de l'aide pour une simple balle et, relevant chastement le bas de ma tunique, je m'engageai dans l'eau. J'allais attraper la balle quand je sentis soudain que quelque chose m'entourait la taille et m'attirait plus loin. Je criai, appelant au secours, tandis qu'un torse et une tête d'homme surgissaient à côté de moi. Dans l'eau translucide, j'aperçus, là où il y aurait dû avoir des jambes, une longue queue de poisson et la peur me saisit. J'arrêtai de me débattre, presque résignée à appartenir à Triton, fils de Poséidon et Amphitrite.
Sur la plage, les nouvelles venues retenaient mes compagnes, leur parlant d'un ton angoissé des dangers qu'il y avait à s'attaquer à Triton. Seul, Iphianassa, presque ma soeur, adoratrice d'Artémis, n'hésita pas et, intrépide, s'élança dans les flots à mon aide. A cette vue, je repris courage et luttai de toutes mes forces contre Triton. Le dieu s'étonna de cette résistance inattendue et, Iphianassa se portant à mes côtés en cet instant, il comprit qu'il venait de perdre son avantage. Il me jeta un long regard, qui devait me hanter longtemps, desserra son étreinte et plongea dans les eaux où il disparut. Avec un cri de dépit, les nouvelles venues l'imitèrent et nous comprîmes alors qu'elles étaient les Néréides.
Au récit de cet incident, où il avait plus de peur que de mal, ma mère récrimina longuement contre les divinités marines. Pour ma part, j'en vins presque à regretter que la tentative d'enlèvement de Triton n'ait pas réussi quand, comme résultat, j'appris que je venais d'être fiancée à Phinée, le frère de mon père. Je savais depuis longtemps que Phinée me voulait, mais mon père avait toujours refusé cet hymen jusqu'à présent. Mon oncle avait profité de la manoeuvre de Triton pour insinuer qu'il me fallait un protecteur et que lui, Phinée, était le parfait candidat. Je pleurai amèrement à cette nouvelle, tandis qu'Iphianassa se tenait près de moi, son attitude rendue rigide par sa désapprobation, mais elle n'avait pas le droit à la parole. Je hoquetai entre mes sanglots, lorsque nous fûmes seules, que j'aurais mille fois préféré être la femme de Triton que celle de Phinée. Iphianassa tenta de m'apaiser, mais c'était en vain.
Chaque fois que je croisais Phinée, je m'enfuyais presque, tandis qu'il faisait tout ce qui était possible pour se retrouver sans cesse sur mon chemin. Je finis, pour retrouver une quelconque paix de l'esprit, par suivre Iphianassa à la chasse avec quelques-unes de mes compagnes. Cette nouvelle occupation me détourna l'esprit de Phinée : je n'aimais pas mon oncle et mon père n'avait guère envie non plus de lui donner sa fille unique, mais il s'était engagé auprès de lui et ne pouvait plus se rétracter sans intervention divine. Or, si la chasse éloignait mes pensées de Phinée, le mécontentement dû à l'annonce de mes fiançailles m'avait presque fait oublier Triton et sa tentative d'enlèvement. J'aurais pourtant dû savoir qu'un dieu ne renoncerait pas aussi facilement...
Ma mère, rendue soudain très orgueilleuse, prétendit qu'elle était plus belle que toutes les Néréides, puisque Triton avait porté son choix sur moi. En entendant ces paroles sacrilèges, je sentis mon coeur se glacer et je la suppliai de se rétracter, d'apaiser les divinités par un sacrifice. Dans son orgueil fou, Cassiopée persista, répétait que sa beauté surpassait celle des cinquante Néréides réunies. Je frémis en moi-même et intérieurement, je priai Artémis d'écarter le malheur de nos têtes, mais j'avais des doutes sur l'efficacité de cette prière : que pourrait faire Artémis contre toutes les divinités marines ? Iphianassa elle-même se montra soucieuse des paroles de ma mère.
Ce soir-là, mon sommeil fut agité par un rêve qui me parut si réel que j'en avais presque peur de me réveiller et de m'apercevoir que ce n'était pas un rêve. Triton m'apparut, tenait à la main la conque avec laquelle il apaisait ou agitait les flots.
- Tu m'appartiendras, Andromède, dit-il. Tu m'appartiendras, car ta mère a insulté les divinités marines et mon père a pris leur défense à coeur. Tant que tu ne seras pas sacrifiée, sa colère ne sera pas apaisée et une fois sacrifiée, tu m'appartiendras à jamais.
Il porta sa conque à ses lèvres et les flots qui l'entouraient devinrent houleux, modifiant son image de façon hideuse. J'ouvris brutalement les yeux et soupira de soulagement en m'apercevant que j'étais en sécurité dans ma chambre.
Malgré la crainte que j'avais du retour du cauchemar, je me rendormis vite, et, cette fois-ci, Hypnos et Morphée me furent plus cléments. Le rêve que j'eus était agréable : c'était sur un lointain rivage, une île, et je voyais un beau jeune homme qui discutait avec un pêcheur du nom de Dictys. J'eus la surprise d'apprendre, au cours de leur conversation que j'entendais comme si j'avais été présente, que ce simple pêcheur était le propre frère du roi. En surimpression, je vis une autre scène : ce même pêcheur ouvrant une caisse échouée sur le rivage, d'où sortait une très belle jeune femme tentant dans ses bras un petit garçon endormi. Je sus qu'il s'agissait du jeune homme qui parlait avec Dictys. Le pêcheur écoutait le jeune homme qui s'exprimait avec agitation, empli de colère contre le roi de la contrée qui poursuivait sa mère de ses assiduités. Dictys lui promit un bateau et ajouta qu'il veillerait sur Danaé, cette jeune femme qu'il avait recueillie, s'opposant à son frère s'il le fallait.
Mon rêve me montra ce jeune homme intrépide qui arpentait les contrés sans relâche, à la recherche de lui seul savait quoi. Puis, Pallas Athéna lui apparut - depuis que Triton avait tenté de m'enlever, je savais reconnaître l'éclat divin - et lui indiqua le chemin à suivre, lui donnant également de précieux conseils. Le jeune homme suivit le chemin désigné et il s'approchait d'une cabane misérable d'où sortaient des éclats de voix quand le jour se leva et que je dus me réveiller.
Ce jour-là, la vue de Phinée me fut plus insupportable encore que de coutume, comparé au visage agréable du jeune homme de mon rêve, auréolé par son courage. Avec Iphianassa et mes compagnes, je pris la fuite vers la forêt. Nous rentrâmes dans l'après-midi, pour trouver la ville agitée.
- C'est terrible ! me dit quelqu'un. Un monstre est sorti de la mer, a détruit mon troupeau et a dévoré trois personnes !
Je me sentis pâlir : c'était le châtiment pour punir l'orgueil de ma mère. A ce moment, j'avais oublié le rêve que j'avais eu à propos de Triton et je courus voir mon père. Curieusement, Phinée tentait de se cacher.
- Nous avons envoyé chercher l'oracle d'Ammon, m'annonça mon père, essayant de me rassurer. D'ici là, nous essaierons de protéger notre peuple le mieux possible.
- Mais, s'exclama impétueusement Iphianassa, il ne faut pas subir ! Il nous faut réagir ! Nous devons combattre ce monstre ! Je préfère mourir en luttant que me laisser dévorer sans avoir agi !
Un rire un peu nerveux lui répondit. C'était Phinée.
- Va affronter le monstre, Iphianassa ! Il aura certainement peur de toi quand il te verra !
- Je le ferai, rétorqua mon amie avec un ton de dignité méprisante, s'il n'y a pas d'homme digne de ce nom pour le faire à ma place !
Phinée lui décocha un regard meurtrier et se renferma dans le silence. Cassiopée, ma mère, ne disait rien non plus : elle était revenue de son fol orgueil et se repentait à présent d'avoir voulu humilier les Néréides.
Alors que la nuit tombait, j'éprouvai comme une vague réticence à aller me coucher, sans trop savoir pourquoi. Je l'attribuai à la tension de cette journée, mais quand enfin Hypnos me ferma les yeux, j'oubliai tout des événements terribles qui avaient marqué l'après-midi qui venait de s'achever : une fois de plus, le beau jeune homme intrépide occupait mes rêves. Il était toujours devant le cabanon hideux, là où mon rêve s'était arrêté la fois d'avant. Quand il entra, il se trouva face à trois femmes, dont le nom me vint immédiatement à l'esprit : Péphrédo, Enyo et Dino. Elles étaient décrépites, avec de longs cheveux blancs, et se querellaient sans cesse à propos d'un oeil et d'une dent, dont elles n'avaient qu'un exemplaire de chaque pour elles trois.
Le jeune homme, subrepticement, leur subtilisa et l'oeil et la dent. Après de longues disputes, elles finirent par comprendre que l'étranger qui venait d'arriver ne s'était pas contenté de les regarder se quereller sans agir et elles s'en prirent à lui, mais, comme elles étaient aveugles, il n'avait aucun mal à les éviter. A bout d'arguments, elles en vinrent à le supplier de leur rendre ce qu'il leur avait volé. Il accepta à condition qu'elles lui révèlent comment aller chez les nymphes qui gardaient les objets dont il avait besoin : des sandales ailées, un sac magique et un casque appartenant à Hadès et garantissant l'invisibilité à son porteur. Les vieilles femmes, les Grées, refusèrent tout d'abord : sans doute savaient-elles ce que j'ignorai : la raison pour laquelle il voulait ces objets. Comme il refusait de changer d'avis et s'obstinait à répéter qu'il ne rendrait l'oeil et la dent que contre ce renseignement, les Grées finirent par céder, en rechignant et pleurnichant, juste après qu'il ait fait mine de s'en aller.
Aussitôt joyeux, le jeune homme leur redonna leurs biens et il n'avait pas encore quitté la sinistre cabane que les Grées étaient déjà en train de se disputer. Il s'éloigna de cette contrée inhospitalière et se hâta vers la retraite des nymphes. Le paysage changea d'aspect : les cailloux rebutants devinrent des buissons touffus, les arbres décharnés et torturés s'élancèrent vers le ciel, bien droits et fiers, et, au coeur d'un bosquet, les nymphes dansaient. Elles saluèrent le jeune homme de leur sourire enchanteur et écoutèrent sa requête avec attention. Il se montra charmant et elles lui donnèrent sans hésiter ce qu'il réclamait. Deux d'entre elles s'agenouillèrent à ses pieds et ôtèrent ses sandales pour les remplacer par les cothurnes ailés ; une autre ajusta le sac magique sur son épaule de façon à ce qu'il pût l'atteindre facilement sans pourtant être dérangé ; une quatrième enfin déposa sur ses boucles brunes le casque magique d'invisibilité d'Hadès. Une cinquième, comprenant ses intentions, de sa propre initiative, lui apporta timidement un grand bouclier d'airain aussi poli qu'un miroir. Il remercia les nymphes et, d'un coup de talon, s'élança dans le ciel.
Mon rêve s'arrêta là et je me réveillai avec la même exaltation que celle du jeune homme, mais elle tomba bien vite en voyant par ma fenêtre les cortèges funéraires passer. Le malheur venu de la mer me revint à l'esprit et ce fut avec l'humeur bien morne que je descendis près de mes parents, rejointe peur de temps après par Iphianassa vêtue d'une tunique courte comme Artémis, sa déesse. Quand Phinée se moqua d'elle, elle ne lui répondit que par un regard foudroyant qui lui enjoignait de se taire.
- Quand arrivera l'oracle d'Ammon ? demanda-t-elle.
- Demain matin au plus tôt, répondit mon père, lugubre.
Iphianassa l'observa longuement, sans rien dire, puis :
- Que vas-tu faire ?
Céphée haussa les épaules, l'air fataliste.
- Ecarter tout le monde de la mer.
- C'est tout ?
- Que veux-tu que je fasse, Iphianassa ? s'emporta soudain mon père. Que j'envoie une troupe d'hommes à la mort sans pour d'autre résultat que d'augmenter la colère du monstre ?
Elle regarda autour d'elle, constatant que tout le monde évitait son regard.
- Ainsi donc, dit-elle lentement, personne n'ira affronter le monstre. Eh bien, moi, moi qui devine déjà quelle sera la réponse de l'oracle, j'irai l'affronter ! Je préfère encore mourir que voir ceux que j'aime mourir pour me sauver !
- Que veux-tu dire ? intervint ma mère. Comment peux-tu dire que tu connais déjà l'oracle ?
- N'est-ce pas évident ? Qui a offensé les divinités marines ? Qui Triton voulait-il enlever ?
Iphianassa quitta la salle sur ces mots et je la suivis, hantée par quelque chose dont j'aurais dû me souvenir, que je n'aurais pas dû oublier, mais qui flottait à la limite de ma mémoire.
- N'y va pas ! l'implorai-je. Iphianassa, je t'en prie !
Elle s'arrêta et me regarda fièrement.
- Je n'ai plus de parents ni de famille. Ma seule famille, c'est toi, Andromède. Si je vaincs, tout ira bien ; si j'échoue, tu ne pleureras pas longtemps, petite soeur...
Sans ajouter un autre mot, elle alla s'entraîner au tir à l'arc, comme si toutes les chasses auxquelles elle avait participé n'avaient pas suffi à faire d'elle la plus fine archère de tout le royaume de mon père. A l'heure où le monstre devait apparaître, calme, elle jeta son carquois sur son dos et, l'arc à la main, elle se dirigea vers la plage.
- Avec l'aide d'Artémis, me lança-t-elle en partant, je vaincrai !
Sur son passage, les gens s'écartaient ; elle représentait à la fois leur honte et leur fierté. Leur honte pour ne pas avoir agi à sa place, leur fierté pour avoir engendré une race où les filles étaient aussi courageuses. Je suivis Iphianassa comme une âme en peine et je sus, à l'instant même où le monstre sortait des eaux, que ma compagne était perdue. Je voulus crier, l'avertir, mais une main invisible me bâillonnait. En face d'Iphianassa se dressait non pas un quelconque monstre, mais Triton lui-même et je le vis me regarder.
- Tu m'appartiendras, Andromède ! me dit-il avec un écho qui évoquait un douloureux rappel.
Iphianassa, calme et intrépide, visait déjà l'oeil du monstre et, au-dessus d'elle, j'entrevis Artémis qui, sur un signe de Zeus, se détournait tristement de celle que j'appelais ma soeur.
- Iphianassa !
Si le cri résonna dans ma tête, jamais il ne franchit mes lèvres. Mes pieds étaient fixés au sol et je me sentis prise d'une rage folle contre les dieux qui m'obligeaient à assister impuissante à la mort d'Iphianassa que le monstre, au lieu de dévorer comme il l'avait fait pour tous les autres, blessa d'une blessure mortelle et s'en alla, me laissant à ma douleur. Il emportait avec lui une flèche plantée au-dessus de son oeil gauche et toute ma joie.
Ce ne fut qu'alors que je retrouvai ma liberté de mouvements et je courus m'agenouiller auprès d'Iphianassa qui, les yeux vitreux, essayait encore de se relever pour se battre. Eperdue, je regardai autour de moi et les seuls qui acceptèrent de venir à mon aide furent de simples pêcheurs, lesquels transportèrent Iphianassa au palais. Je passai avec mon escorte funèbre devant mes parents et mon fiancé médusé, leur refusant le moindre regard, enfermée dans ma douleur. Iphianassa fut déposée sur son lit et je remerciai généreusement les pêcheurs. Je m'approchai du lit ; Iphianassa vivait encore. Elle eut un faible sourire en me voyant, murmura :
- Artémis...
Et rendit l'âme. Ce dernier mot, c'était une supplication, une demande d'explication : Artémis, pourquoi l'as-tu abandonnée ?
Je procédai seule à la toilette d'Iphianassa et, une fois qu'elle fut revêtue de sa plus belle tunique, je succombai enfin aux larmes, m'effondrant au pied du lit pour y pleurer de tout mon soûl. J'entendis des pas derrière la porte, quelqu'un qui m'appelait doucement, mais je répondis par un hurlement :
- Qu'on me laisse seule !
Je passai la nuit près d'Iphianassa, à genoux, sans jamais lâcher sa main. Vers le matin, la fatigue me vainquit et, à ma grande honte, malgré le chagrin, je rêvai de nouveau de ce jeune homme qui me hantait depuis deux nuits.
Equipé maintenant des sandales ailées, il volait avec aisance, mais, plutôt que regarder où il allait de ses propres yeux, il fixait le reflet que lui renvoyait le bouclier d'airain poli. Et puis, il vit trois monstres qui dormaient. De nouveau, leur nom se présenta spontanément à mon esprit : Sthéno, Euryale et Méduse. Elles étaient terrifiantes : une tête énorme, hérissée d'une chevelure vipérine, des dents aussi longues que des boutoirs de sanglier et des ailes d'or qui leur permettaient de cingler à travers les airs. Pallas Athéna chuchota au jeune homme que celle qui l'intéressait, la seule mortelle des trois soeurs, Méduse, était celle du milieu. Intrépide, il s'approcha, se fiant à l'image à qu'il voyait dans son bouclier. Les serpents sur la tête de Méduse se réveillèrent à son approche, sifflant haineusement mais heureusement, sans réveiller le monstre dont ils formaient la chevelure.
Sans reculer davantage, le jeune homme mit pied à terre et, d'un coup d'épée bien ajusté, trancha la tête de Méduse. De la blessure sortirent deux êtres vivants, Pégase et Chrysaor, fils de Poséidon. Le jeune homme en fut si étonné qu'il resta un instant immobile au-dessus du cadavre de sa victime, puis, se reprenant, il saisit l'affreuse tête par les serpents maintenant sans vie et, malgré la disproportion des tailles, fit glisser cet énorme trophée dans le petit sac, qui n'en parut pas plus chargé. Sans plus attendre, il frappa le sol de son talon et prit son envol.
Alors que la mort de leur soeur ne les avait pas troublées, le bruit des petites ailes fixées aux sandales du jeune homme réveilla Sthéno et Euryale. Leur premier regard fut pour leur soeur morte et son corps décapité qui gisait entre elles deux comme si, durant leur sommeil, elles avaient voulu protéger leur soeur mortelle. Précaution vaine. Voulant venger leur soeur, elles s'envolèrent à la recherche du criminel, passèrent tout près du jeune homme, mais sans paraître le voir ; je me rappelai alors qu'il était porteur du casque d'invisibilité. Si bien que, même si les deux Gorgones restantes étaient furieuses, le jeune homme put s'en aller en toute tranquillité. Se hâtant, il volait sans relâche, mais fut pris dans une tempête terrible qui le rejeta aux pieds du Géant Atlas.
Ce dernier, irrité par la venue d'Héraclès qui l'avait trompé, n'accueillit pas le jeune homme avec amabilité. Celui que je regardais à présent comme le héros de mes rêves, fourbu, n'avait qu'une envie, se reposer, et non celle d'entamer une discussion stérile. Il demanda l'hospitalité à Atlas, qui la refusa hargneusement. Le jeune homme, fâché à son tour, sachant bien qu'il aurait le dessous dans une lutte avec le Géant, détourna la tête et sortit de son sac le macabre trophée qu'il comptait ramener chez lui. Le Géant qui soutenait le ciel sur ses épaules fut transformé en montagne et le fils de Danaé, remettant la tête de Méduse dans son sac, s'allongea de nouveau à terre et s'endormit aussitôt.
Je me réveillai brutalement et le feu de la honte me brûla aussitôt les joues : comment avais-je pu avoir un rêve aussi agréable, comment avais-je pu dormir, quand ma seule amie, ma soeur, était morte, gisant à côté de moi, quand un monstre terrible ravageait la contrée ? Un instant, je priai de toutes mes forces pour que le jeune héros de mes rêves existe et vienne à notre aide, puis je me repris bien vite. Subitement, un incident oublié me revint à la mémoire : le rêve que j'avais eu de Triton. Je me redressai, très pâle, comprenant enfin les paroles un peu obscures qu'Iphianassa avait tenues la veille : elle savait que j'étais la victime qui devait être sacrifiée et elle était morte en essayant de me sauver ! Ma honte atteignit des degrés inimaginables.
Je regardai longuement le visage maintenant figé d'Iphianassa et pris ma décision : j'étais princesse, je devais sauver mon peuple. Empreinte d'une dignité que je ne me connaissais pas, je descendis voir mes parents et arrivai au moment même où l'oracle d'Ammon achevait de rendre sa prophétie. Ma mère pleura en me voyant et mon père parut gêné ; quant à Phinée, il avait disparu. Sans doute avait-il eu peur que je ne lui reproche sa lâcheté et la mort d'Iphianassa.
- Andromède..., commença ma mère d'une voix étranglée.
Je l'arrêtai aussitôt.
- Inutile. Je sais ce qu'a dit l'oracle. J'obéirai.
Mon père voulut protester et je l'interrompis aussi :
- C'est ce que je voulais faire de toute façon. C'est moi que Triton veut. De plus, je préfère encore mourir ou épouser Triton que devenir la femme de ce lâche qu'est mon oncle !
Alors, fièrement, comme une vierge se devait de marcher à l'autel, j'allai jusqu'au haut rocher qui dominait la mer. Précautionneusement, je descendis les quelques degrés naturels et appuyai mon dos à la paroi rocheuse. Au-dessus de ma tête, j'entendais les pleurs de mes parents qui m'imploraient, moi, leur unique enfant, et les murmures de la foule qui se demandait un peu anxieusement si le sacrifice de leur princesse suffirait à conjurer le malheur. Un remous annonça l'arrivée du monstre ; la foule, apeurée, s'enfuit presque aussitôt. Seuls mes parents restaient encore, m'implorant de revenir sur mes pas, que l'oracle avait dû se tromper... Je le savais bien, moi, que l'oracle d'Ammon avait dit vrai. Toute peur m'avait quittée. Je levai les bras vers le ciel.
- Viens me prendre, Triton ! Vois, je m'offre de moi-même à toi, pour sauver mon peuple !
Mais le remous avait été une fausse alerte et l'attente sur mon rocher s'éternisa.
Plus l'attente se prolongeait, plus mon courage s'effritait. J'étais seule et seul le monstre me verrait désormais, si bien que je laissai les larmes couler de mes yeux, en silence. Soudain, il me sembla que ma vue se troublait : devant moi, flottant dans les airs grâce à ses sandales ailées, se trouvait le jeune héros de mes rêves, son casque d'invisibilité à la main. Je tendis les mains vers lui et poussai un faible cri, incapable de me retenir. Il parut avoir quelques difficultés à rester dans les airs et vint se poser à côté de moi, sans jamais me quitter du regard.
- Ô jeune fille, balbutia-t-il à moitié, dis-moi pourquoi tu te trouves seule sur ce rocher, parée comme une vierge que l'on se prépare à sacrifier à quelque sombre divinité !
Le ton de sa voix, si doux, fit monter de nouvelles larmes à mes yeux. J'étais embarrassée et ne savais que faire : certes, j'avais déjà adressé la parole à Phinée, et, ce matin, même, si je l'avais vu, je l'aurais semoncé de sa lâcheté, mais comment pouvais-je parler ainsi à un étranger ? Il me pressa gentiment :
- Réponds-moi, je t'en prie, ô jeune fille ! Je pressens un malheur à te voir ainsi abandonnée... N'attends pas qu'il soit trop tard pour parler !
Une pensée terrible me vint soudain à l'esprit : et s'il prenait mon silence pour une preuve de culpabilité ? S'il me croyait abandonnée sur ce rocher parce que j'avais commis un acte abominable ? Le désir de me justifier à ses yeux fut plus pressant que la retenue.
- Sache, ô étranger, que j'ai pour nom Andromède et que je suis la fille du roi Céphée et de la reine Cassiopée. Prise d'un fol orgueil, ma mère se vanta d'être plus belle que les Néréides. Pour venger les nymphes de ses eaux, Poséidon envoya un monstre ravager ce pays et dévorer ses habitants. L'oracle d'Ammon a décrété que seul mon sacrifice pourrait apaiser la fureur des dieux marins et voilà la raison de ma présence ici.
- Ô jeune fille, répondit-il, je me nomme Persée et je suis né de Danaé et de Zeus. Si ma lame ne fait pas faiblesse à mon bras et si tes parents ne se montrent pas ingrats envers ton sauveur, permets-moi d'essayer de pourfendre ce monstre odieux qui ose demander le sacrifice d'une si belle jeune fille !
Je n'avais osé lui parler de Triton, de peur qu'il ne croie que je l'avais attiré par des manoeuvres, mais voyant quels dangers il se préparait à courir pour moi, ma langue allait se délier pour l'avertir. Hélas ! Le monstre surgit à cet instant et, intrépide, Persée prit son envol pour lui faire face. Il était trop tard.
Voyant Persée se dresser devant lui, le monstre, ne fit aucunement attention à moi et se tourna vers mon défenseur. Le jeune homme avait dégainé l'épée qui lui avait servi à couper la tête de Méduse, mais avait laissé son bouclier à côté de moi, appuyé contre la roche, ainsi que le casque qui lui aurait permis d'être invisible. Pourtant, même si le monstre était dans son élément naturel, animé par la fureur d'un dieu, l'agilité de Persée dominait le combat. Ses sandales ailées le portaient partout où il le voulait et il pouvait ainsi porter un coup au monstre. Ce dernier fut bientôt ruisselant de sang, alors que Persée n'arborait qu'une légère estafilade due à un soubresaut du monstre.
Néanmoins, le monstre marin, en se débattant, avait projeté de l'eau et du sang tout autour et les petites ailes des sandales s'étaient imprégnées d'eau. Le vol devenait plus difficile et Persée, en se fiant plus à ses sandales magiques, alla se poser sur un rocher un peu éloigné du mien, forçant ainsi le monstre à se détourner de moi. Il s'agrippa de la main gauche à une arête vive, car le rocher mouillé était glissant et traître, et il savait que la moindre perte d'équilibre serait fatale. Et moi, impuissante, je ne pouvais que me tordre les mains de désespoir, implorant silencieusement tous les dieux de le protéger, arguant que j'étais la seule coupable et qu'il serait victime de son bon coeur. J'avais envie de lui crier d'utiliser la tête de Méduse, puisqu'elle avait pu pétrifier Atlas. Mais je ne dis rien.
Persée continuait à se battre, ayant perdu tous les avantages que lui avait donnés son agilité et du coup, il était un peu handicapé. Le monstre tentait d'en profiter, essayant de l'atteindre également avec sa queue. Certes l'eau autour du rocher était teintée de sang, mais j'avais de moins en moins d'espoir. Cependant, Persée semblait garder confiance ; ses sandales étaient maintenant totalement détrempées et inutilisables. Et puis, il porta soudain un coup d'épée si ferme et si bien ajusté qu'il tua le monstre sur le coup. L'arme bloquée dans le cou écailleux, Persée fut entraîné, entouré par les anneaux, et les larmes coulèrent sans retenue de mes yeux.
Mais Persée n'avait pas dit son dernier mot et Pallas Athéna ne comptait pas abandonner ce frère qu'elle avait soutenu jusque-là et qui l'avait si bien honorée : Persée s'arc-bouta et retira son épée du cou, se propulsant vers la surface d'un coup de talon, son épée se trouvant lavée de tout le sang qui la couvrait. J'en croyais à peine mes yeux quand il prit pied sur mon rocher et me sourit. Il s'inclina devant moi.
- Ô jeune fille, le monstre qui te menaçait n'est plus, dit-il, incapable de penser à quelque chose de moins trivial.
Je souris à mon tour, essuyant mes larmes de mes doigts.
- Mes parents sauront te remercier pour cet exploit, ô courageux étranger, répondis-je doucement.
Au-dessus de ma tête, j'entendais les voix incrédules de mes parents. Persée quitta le rocher le premier et me tendit la main pour m'aider.
- Etranger, s'exclama mon père, si tu le souhaites, la moitié de mon royaume est à toi ! Que les dieux te protègent pour avoir sauvé ma fille !
Mais je savais, j'avais lu dans les yeux de Persée qu'un royaume lui était indifférent.
- Roi, si vraiment tu veux me remercier, garde ton royaume et donne-moi ta fille pour qu'elle devienne ma femme !
Je rougis légèrement et espérai ardemment que mon père n'allait pas invoquer mon engagement avec Phinée pour refuser ce courageux jeune homme ! Mais je vis Céphée me regarder avec un air complice.
- Etranger, dit-il, comment pourrais-je refuser une telle requête ? Tu as sauvé ma fille, sa vie t'appartient.
Et souriant, il mit ma main dans la sienne. Ma mère n'osa pas protester, car elle devait lire dans mes yeux que j'approuvais le choix de mon père.
Ainsi donc, je devins l'épouse de Persée. Nous venions à peine d'être unis par les liens du mariage que Phinée surgit, l'air belliqueux, suivi par une troupe d'hommes en armes.
- Je viens me venger du rapt de ma fiancée ! cria-t-il, désignant Persée d'un air accusateur.
Je me redressai, très pâle : comment osait-il me réclamer, alors qu'il m'avait abandonnée au monstre ? Mon père regardait son frère avec un air de mépris indicible et Persée, encore assis à côté de moi, ne bougeait toujours pas. Puis il se leva lentement, calme et pacifique.
- Peut-on m'expliquer la situation ? demanda-t-il tranquillement.
- Andromède est ma fiancée ! Tu ne me la prendras pas ainsi ! Je la protège de Triton !
Persée leva les sourcils, l'air étonné.
- Belle protection, murmura-t-il. J'ignorais qu'on pouvait protéger quelqu'un en lui tournant le dos, ainsi qu'au danger.
Phinée pâlit de rage, mais je ne lui laissai pas le temps de répondre.
- Persée a raison ! Est-ce à toi de venir protester quand tu as laissé Iphianassa aller à la mort, quand tu m'as laissée aller à la mort ? Sache-le, Phinée, je préférais appartenir à Triton plutôt qu'à toi !
Il me sembla que Persée souriait légèrement devant ma colère.
- Garde le silence, Andromède ! me fit dédaigneusement Phinée. Les femmes ne comprennent rien à cela !
Je crus que j'allais étouffer de rage. Persée mit sa main sur mon bras et je repris mon calme tant bien que mal.
- C'est vrai, fis-je d'un ton mi-figue, mi-raisin. Les femmes ne comprennent rien à cela ! Nous n'avons pas le même concept de l'honneur : Iphianassa est morte pour le sien quand tu as fui pour le tien.
Bien que parlant de la mort d'Iphianassa, je réussis à m'attirer les rires. Céphée intervint à son tour :
- Ce n'est pas Persée qui te vole Andromède, Phinée, dit-il, apaisant. Ce sont les dieux marins qui te l'ont prise. Ne vaut-il pas mieux la voir vivante et mariée à Persée que morte ?
- Non, répondit farouchement Phinée, la présence de ses hommes lui donnant du courage.
Et, prenant une lance, il la jeta vers Persée. Le fils de Danaé l'évita avec agilité, mais le signal de l'attaque avait été donné. Avant même de s'occuper de lui-même ou de ceux qui l'avaient choisi pour chef, Persée me força à m'abriter derrière l'autel. Par-dessus le tumulte des armes que l'on saisissait, mon père essayait encore de raisonner son frère :
- Phinée ! Phinée ! Quelle folie te saisit ? Est-ce le sauveur de ma fille que tu dois attaquer quand tu avais tant d'autres occasions de montrer ton courage ? Ce n'est pas de Persée que tu dois te venger pour avoir perdu Andromède, mais des Néréides, mais de Poséidon et de Triton, mais du monstre marin ! Ô Phinée, la honte de n'avoir rien fait à l'heure du danger, quand le monstre allait me priver de mon unique enfant, n'est donc pas suffisamment forte pour que tu veuilles l'augmenter encore ?
Mais Phinée ne l'écouta pas et tenta même de le blesser. Céphée ne fut sauvé que par Persée qui s'interposa entre les deux frères, son bras gauche armé du bouclier d'airain offert par les Nymphes. Devant le grand jeune homme qui se dressa brutalement devant lui, Phinée recula, soudain beaucoup moins sûr de lui.
Le combat fut affreux, mais Phinée prenait surtout bien garde à ne jamais se trouver de nouveau face à Persée. Le fils de Danaé, malgré sa fatigue, combattait bien, mais quand il vit tomber à côté de lui un jeune homme, presque un enfant, il décida de mettre fin à ce combat inutile. Il lâcha son bouclier et son épée qui heurtèrent le sol dans un fracas assourdissant et attrapa le sac magique qui pendait à son épaule.
- Que mes amis détournent la tête de moi ! cria-t-il d'une voix de stentor.
Alors que je me dissimulais derrière l'autel, j'aperçus du coin de l'oeil Phinée qui se glissait derrière une colonne. Bientôt j'entendis la voix de Persée qui m'appelait doucement. Je me redressai ; il avait remis la tête de Méduse dans le sac et souriait. Mais je lui signalai d'abord la cachette de Phinée ; je ne savais pas ce que Persée ferait de lui, mais une chose était sûre : je ne voulais pas appartenir à Phinée.
Persée marcha droit à la colonne derrière laquelle Phinée se tenait peureusement.
- Sois magnanime, ô Persée ! supplia Phinée. Je ne vois plus que les miens changés en pierre autour de moi, n'est-ce pas une punition suffisante ? Oui, je l'avoue, j'ai pris les armes pour te reprendre Andromède que tu m'avais ravie ; je le vois bien maintenant, je n'aurais pas dû te la disputer. Las ! Je perds une épouse et tous les miens ! Laisse-moi au moins la vie !
Je vis Persée ouvrir discrètement son sac et je m'empressai de me cacher les yeux.
- Phinée, lâche parmi les lâches, je ne souillerai pas ma lame dans ton sang, mais je veux t'infliger une leçon. Je veux que pendant longtemps encore, on se souvienne de toi et je veux que mon épouse puisse avoir sous les yeux son fiancé avec la consolation de ne pas lui appartenir !
Je supposai qu'il montrait la tête de Méduse à Phinée, car je l'entendis peu après ramasser son épée et son bouclier. Je sortis de ma cachette et vis une statue ressemblant fort à Phinée et arborant un air pleutre. Avertissant ses partisans que tout danger était écarté, Persée vint prendre ma main et m'entraîna à l'extérieur. Joyeux comme des enfants, nous courûmes jusqu'à une fontaine.
- Regarde dans l'eau ! me dit Persée d'un ton mystérieux.
Intriguée, j'obéis. Puis, soudain, une autre tête apparut dans l'eau, une tête terrifiante aux longs cheveux comme des serpents morts. J'eus un cri effrayé et j'allais me reculer, quand Persée enserra mon poignet.
- Regarde ! fit-il seulement.
Je refermai mes doigts sur son poignet et me penchai vers la fontaine. Il y avait maintenant trois têtes dans l'eau. Celle de Méduse ressemblait exactement à celle que j'avais vue dans mon rêve. Au début, je n'osais guère lever les yeux de l'eau, mais je remarquai que Persée me regardait, moi, et non Méduse, alors je tournai légèrement la tête pour lui sourire.
Nous partîmes après les funérailles d'Iphianassa, car Persée avait hâte de revoir sa mère, même s'il savait que Dictys veillait sur elle. Le voyage fut plus long que s'il l'avait effectué seul, mais nous avions tout à découvrir l'un de l'autre, si bien que nous n'y faisions pas vraiment attention. En arrivant, Persée tint absolument à aller voir le roi Polydectès en premier. Ce fut Dictys qui nous accueillit et il parut approuver la décision de Persée. Il nous conduisit à son frère, laissant entrer le fils de Danaé, alors que nous restions tous deux dehors, l'oreille aux aguets.
Polydectès accueillit Persée avec une feinte jovialité.
- As-tu tué Méduse ainsi que tu avais dit que tu le ferais, Persée ? demanda-t-il.
- Oui. Mais permets-moi de ne pas te la montrer, car tu sais quel est ton effet.
Le roi rit bruyamment, ne le croyant visiblement pas.
- Eh bien, je pensais que ce voyage t'aurait donné plus de courage encore, mais non pas appris à mentir !
- Je ne mens pas ! s'écria Persée. Polydectès, je n'approuve pas ta manière d'agir avec ma mère, mais tu nous as recueillis quand nous avions besoin d'un toit, tu m'as élevé comme si j'étais ton propre fils, ne me force pas à te transformer en pierre pour te prouver que je dis vrai!
- Quelle éloquence ! ironisa Polydectès. Avant de partir, tu maniais mieux l'épée que les mots. Que t'est-il arrivé pour que ce soit devenu le contraire ?
- Très bien, rétorqua Persée entre ses dents serrées. Je t'aurai prévenu... Regarde !
Je n'avais pas besoin d'être présente pour savoir ce qu'il se passait. Persée ressortit de la pièce, sans avoir l'air très satisfait de lui.
- Où est ma mère ? demanda-t-il à Dictys.
- Au temple de Zeus, répondit le pêcheur. Polydectès était devenu si insistant qu'il m'était impossible de protéger davantage Danaé. Elle s'est réfugiée au temple ce matin.
Danaé fut heureuse de retrouver son fils et étonnée de le voir en compagnie d'une jeune fille. Mais ses premiers mots furent contre le roi :
- Persée ! Prends garde à Polydectès !
Persée sourit et mena sa mère dans la salle où il avait rencontré le roi ; là, il y avait une statue, aussi merveilleusement fidèle que l'était celle de Phinée. Danaé se détendit, car elle aussi connaissait les propriétés de la tête de Méduse et cette statue était la preuve que son fils avait réussi sa mission.
Persée garda encore un peu la tête de Méduse, le temps de vérifier que Dictys était bien accepté comme roi, puis il rendit ses armes merveilleuses à qui de droit : Hermès récupéra ses sandales, Hadès reçut son casque et Persée donna à Pallas Athéna, qui l'avait aidé et soutenu tout au long de son voyage, le bouclier d'airain poli et la tête de Méduse que la déesse mit sur son égide. Il ne restait plus à Persée qu'à faire la paix avec son grand-père, Acrisios...
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